Entendre parler de théâtre, de la place du comédien dans la cité, comme l’ont fait mardi dernier à l’académie de Dijon François Chattot – directeur du centre national dramatique de Bourgogne (TDB) – et son metteur en scène attitré Benoît Lambert, a fait un bien fou.
Oui, un bien fou. Dans ce monde auquel Deleuze nous invite à croire encore mais qui a cassé tous ses relais, le rôle du comédien, et donc du théâtre, reste essentiel, même s’il est de moins en moins connu, et reconnu. Comme cette conférence se déroulait dans le cadre de la Semaine Culturelle Diocésaine, on imagine l’effet produit par François Chattot quand il a évoqué cette vie de "catacombes" qui est désormais, si l’on n’y prend garde, dévolue au théâtre aujourd’hui.
Citant largement le philosophe trop méconnu qu’est Jean-Luc Nancy, l’ancien pensionnaire de la Comédie-Française a évoqué l’amplitude historique de la transmission d’une Parole dont l’écoute par la communauté rassemblée fait d’elle une réunion de "frères". De Lascaut au théâtre du Parvis Saint-Jean de Dijon, c’est la même attitude : "Nous sommes depuis l’aube des temps des passeurs de mots".
Mais voilà, dans ce monde d’aujourd’hui, la difficulté est devenue gigantesque de se rassembler pour entendre cette parole, qu’elle vienne de Sophocle, de Shakespeare ou de … Nina Hagen. Benoît Lambert parle fort justement des "poisons de culture" que sont aujourd’hui tous ces faux spectacles qui nous bouchent les oreilles, poisons parce que leur seul but est mercantile.
Que faire ? Le retour est le titre du spectacle actuellement présenté par les héritiers de Copeau et Fornier dans les catacombes scéniques dijonnaises : travail de collage de textes que le comédien doit "infuser" et que le metteur en scène doit retenir au vu des "brouillons" que lui proposent les acteurs en répétition. Travail de fourmi autour de l’imaginaire dont le citoyen-spectateur est à la fois le légataire et le transmetteur.
Comme la lecture, le théatre ainsi conçu risque sans doute d’être englouti dans la décitoyennisation du monde : raison de plus pour entrer, avec lui, en résistance.
Michel HUVET
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