lundi 13 décembre 2010

MAÎTRISE DE DIJON : L'ENCHANTEMENT DE NOËL




Le choeur de la célèbre Maîtrise de la cathédrale de Dijon vient de donner, pour la dix-neuvième fois sous la direction de son incomparable directeur musical Alain Chobert, deux concerts dits "de Noël" qui ont une nouvelle fois fait "chanter les pierres" comme disait Claudel et absolument sidéré ceux qui, parmi les 3 500 auditeurs de ces concerts, découvraient la fameuse Maîtrise.

Des noëls, bien sûr, mais ceux-là, qu’on croyait connaître, ont pris du sens, de l’épaisseur spirituelle, et du “corps” musical : le Turelurelu bourguignon ou le Tous, accourez tous ! alsacien avaient des allures de créations. Alain Chobert, dans ce genre de musique, aime entourer son choeur des sonorités instrumentales qui disent la géographie des lieux, une flûte piccolo, un basson, un hautbois, voire un tambourin. Et ainsi est-on, auditeurs, embarqués dans une prodigieuse montée vers l’excellence.

Et là, c’est Bach, celui de l’Oratorio de Noël (Bereite dich Zion) qu’une jeune Blandine de 15 ans chante en langue originale avec un sourire à chaque fin de phrase, tout comme après elle, une jeune Agathe du même âge se promène, avec un son filé d’ange et des aigus de Barbara Hendricks, dans une aria de la Cantate 61. On n’en revient pas, la salle murmure d’agréable stupeur et voilà toute une pédagogie d’école maîtrisienne en pleine évidence !

On se surprend à trouver finalement ce concert d’une heure et demie trop court, et l’on goûte infiniment ces voix unies dans le Peuple fidèle final avec d’autant plus de plaisir que les choristes, repartis en procession, ont disparu du chant visuel et qu’il ne reste que cette musique vocale de velours qui court entre les piliers de la nef, venue d’on ne sait plus où, et qui reste gravée dans le coeur de manière ineffable.

Michel HUVET


mercredi 8 décembre 2010

À DIJON LE NEZ EN L'AIR...

Quand je suis à Paris, au risque permanent de me cogner aux passants ou aux poteaux électriques, j’aime avoir le nez en l’air. Oui, en l’air, car les plaques commémoratives sont toujours placées à des hauteurs invraisemblables, au milieu d’une façade ou au-dessus d’une porte cochère.

J’ai appris ainsi un nombre incalculable d’évenements géographiques que la grande Histoire ne dit pas, des faits d’habitation qui lui donnent une dimension tellement humaine. Je ne passe jamais, tout près de la coupole de l’institut et du pont des Arts, sur les bords de la Seine, sans lever les yeux au premier étage de cet immeuble ancien où l’on me dit qu’ici mourut Voltaire : quand on sait dans quel état physique se trouvait l’auteur d’Agesilas, et combien seul il se trouvait alors, on ne peut que frémir d’émotion. Merci à la plaque de le rappeler avec cette belle constance !



J’aime aussi avoir le nez en l’air à Dijon, la capitale des Ducs de Bourgogne. Mais là, c’est souvent décevant, je dois bien le reconnaître : les méfaits des vents et des pluies, les fientes de pigeons, l’érosion des matières n’ont pas épargné du temps l’irréparable outrage. Deux me viennent à l’esprit : celle qui nous dit, rue Vaillant, qu’ici naquit Jean-Philippe Rameau, et celle, face à l’historique palais de Justice, qui nous rappelle qu’ici naquit Jeanne Fremyot, celle qui devait devenir la sainte baronne Jeanne de Chantal.

Faudra-t-il quémander une augmentation d’un millième d’euro sur ma feuille d’imposition locale pour que les touristes aient enfin sous les yeux des plaques lisibles qui rendront alors certains lieux inoubliables ?

Michel HUVET

mercredi 24 novembre 2010

FRANÇOIS REBSAMEN MÉDIATIQUEMENT INCONTOURNABLE




Décidément, je me trompais peu en vous annonçant récemment que si Dominique Strauss-Kahn était élu président de la République en 2012, le sénateur maire de Dijon, François Rebsamen, deviendrait ministre de l’Intérieur… C’est en tout cas comme tel qu’il est apparu l’autre soir sur France 2 dans l’émission d’Yves Calvi Mots croisés, face à Jean-François Coppé, à Cécile Duflot, à Marine Le Pen et d’autres spécialistes de la délinquance et de la sécurité.

Pas d’affolement : l’affaire n’est pas faite. Mais François Rebsamen, calme, sourire ironique souvent au coin des lèvres, ferme quand il faut défendre l’essentiel, citant Dijon en exemple, poli avec l’adversaire mais sans concessions aucunes, François Rebsamen donc est devenu médiatiquement incontournable sur le sujet. Le plus étonnant est que les caciques de son parti l’aient ainsi laissé en première ligne télévisuelle ! Mais c’est aussi qu’en matière de sécurité, l’ancien directeur de cabinet de Pierre Joxe, place Beauvau, est le seul à posséder un aussi solide dossier.

Pas d’affolement non plus en matière de prospective politique. Les sondages sont à double tranchant, surtout pour la gauche. Tel qui part en tête dans les sondages est rarement élu à l’arrivée (cf. Balladur, 1995). Il ne faudrait donc pas que se multipliassent trop les candidatures théâtrales du genre Montebourg ou Vals. Il conviendrait aussi que les primaires annoncées aient lieu bien avant la date prévue de l’automne prochain.

Le maire de Dijon, en tout cas, va son bonhomme de chemin médiatique avec une régularité qui révèle un fameux sens politique.

Michel HUVET





mercredi 17 novembre 2010

JULES ROY / AUBERT LEMELAND : L'OPÉRA INACHEVÉ

La mort d’Aubert Lemeland, survenue à Paris le 15 novembre, a déclenché chez bien des mélomanes un immense chagrin. Mais, plus encore, c’est Jean-Louis Roy qui aura en ces jours le plus de regrets : il se sera battu longtemps, à Dijon et ailleurs, pour que l’oeuvre de son père, Jules Roy, mise en opéra par Aubert Lemeland, soit enfin représentée lors du centenaire de l’auteur des Chevaux du soleil, en 2007.

M’étant quelque peu engagé à ses côtés pour que Lieutenant Karl fût enfin représenté à Dijon, je ne peux que laisser l’immense mélomane qu’est Jean-Louis Roy rendre ici hommage à un musicien né au pays de Barbey d’Aurevilly (La Haye-du-Puits) qui a traversé ce siècle avec des musiques exigeantes et toutes inspirées des terribles heures que, comme Jules Roy, il traversa entre 1940 et 1945.

 Michel HUVET


REQUIEM POUR UN SOLDAT MUSICIEN

Les premières orgues qui retentirent aux oreilles d’Aubert Lemeland furent celles des forteresses volantes B-17 qui traversaient le Cotentin pour écraser l’Allemagne et quelques points stratégiques de France et de sa chère Normandie. Né en 1932 à La Haye-du-Puits, il refermé sa partition le 15 novembre 2010, à Paris où il vivait.

Pendant les 78 ans de sa vie, le débarquement du 6 juin 44 a constamment retenti dans sa musique. Il a chanté la mer, le ciel et les soldats morts, l’honneur et la gloire de jeunes hommes au destin fracassé (Omaha, Songs for the dead Soldiers, Airmen, A l’Etale de basse-mer  ont reçu ensemble un Diapason d’Or). Un des derniers grands héritiers de l’impressionnisme musical français, son œuvre comporte plus de 220 numéros dont 12 symphonies, 3 concertos de violon et deux opéras. Riche et variée, elle a été souvent enregistrée, un Grand Prix Charles Cros lui fut décerné en 1995.

Ses partitions de chambre avec instruments à vents lui apportaient « un plaisir d’écriture qui est comme celui de respirer, de vivre ». Il partage la fraîche et fluide diction qui circule du dernier Debussy via Koechlin jusqu’à Dutilleux ou Ohana. Sa méthode d’harmonisation tonale moderne et ses mélodies ont une expression modale très avancée. La profonde technique d’orchestration de ses 3 Poèmes de Stéphane Mallarmé rappelle Ravel. Il a fondé l'Ensemble de chambre Français.

La musique de Lemeland, tonale, est très accessible ; les Ballades du soldat, pour piano seul jouées par Jean-Pierre Ferey (excellent pianiste qui dirige par ailleurs l’éditeur Skarbo), sont des miniatures inspirées par les lettres de soldats américains acteurs du débarquement de 1944. En 2002, il bâtira sa 10e symphonie (6 mouvements, un narrateur, une soprano et l’orchestre) sur des lettres de soldats allemands piégés à Stalingrad, l’accouplant au Mémorial « Dieppe 19 août 1942 » qui exprime sa compassion pour les Canadiens morts à Dieppe. Comme dans Omaha, on y retrouve ses admirables expressions d’harmonie lyrique.

En 1996, il avait rencontré Jules Roy dont l’œuvre d’écrivain-soldat allait nourrir la sienne. Pour fêter son centenaire en 2007, il acheva son opéra, Lieutenant Karl ; son premier, Laure ou La Lettre au Cachet Rouge, venait en droite ligne de Vigny. Pourtant, il restait méconnu ; peu joué, il était à bout de ressources, condamné à l’ascétisme. Il tarda à consulter, craignant sans doute de ne pouvoir se payer un spécialiste. Hospitalisé trop tard, l’intervention nécessaire l’aggrava, la situation n’eut d’autre issue que celle qui lui était familière depuis l’enfance. Il l’affronta avec sérénité.

Les concours officiels, que je sollicitais en vain pour lui depuis un an, se sont manifestés le lendemain  de sa mort. Je ne pus que leur confier l’heure de son service religieux et de son enterrement au Père-Lachaise pour qu’ils puissent, au moins par une gerbe, lui témoigner leur reconnaissance.

Jean Louis Roy.



mercredi 10 novembre 2010

DE GAULLE ...ET ROBERT POUJADE




Quarante ans après sa mort, le Général est-il oublié ? On peut le croire après le déferlement d’inepties sur son compte raportées par des témoins oublieux et des jeunes ignorants.

À Dijon, le journal local Le Bien Public s’est fendu d’une évocation de De gaulle à travers l’interview de Robert Poujade, ce Normalien qui tint la ville durant trente ans après avoir été un de ces jeunes gaullistes fervents venus du mendésisme. Dommage qu’on n’ait pas rappelé l’essentiel du gaullisme de Robert Poujade, qui s’est contenté de répondre à des questions bien anodines et sans intérêt et a trop d’humilité pour en avoir rajouté.

Donc j’eus aimé qu’on rappelât que Robert Poujade fut de ceux qui militèrent pour le retour au pouvoir du Général, qu’il fonda pour cela avec André Malraux une revue littéraire et politique, qu’il fut envoyé à Dijon par le Général lui-même (relisons les Mémoires d’Olivier Guichard ou de Jacques Foccart), que c’est à l’amitié avec Malraux qu’il dût d’obtenir pour le musée de Dijon la donation Granville, qu’il fut secrétaire général du parti gaulliste (UDR) et que c’est lui qu’on voit, sur la célèbre photo prise le 30 mai 68 devant le tombeau du soldat inconnu, entre Malraux et Debré.

J’eus enfin aimé qu’on se souvînt de ce que Robert Poujade fit pour la ville de Rameau, notamment en matière d’environnement et de préservation du patrimoine, et comment son gaullisme viscéral était d’abord attaché à une certaine idée de la France.

Michel HUVET

dimanche 31 octobre 2010

SURINFORMATION : QUI A BIEN PU ÉCRIRE ÇA ?


Notre monde est-il malade de surinformation ? Un écrivain et journaliste très connu l’a écrit dans ce texte dont je vous offre ci-dessous quelques extraits édifiants. Saurez-vous dire qui en est l’auteur. Je vous offre trois possibilités : 1) Jean-François Kahn  2) François Mauriac  3) Emile Zola.



« Le virus de l'information à outrance qui pénètre jusqu'aux os comme ces alcooliques qui dépérissent dès qu'on leur supprime le poison qui les tue.
Il serait si bon de ne pas porter dans le crâne tout le tapage du siècle, l'amas effroyable des choses que le journalisme y dépose pêle-mêle, quotidiennement ».



« ... Il y a une virilité, un élargissement à savoir toujours davantage, notre théorie moderne du citoyen connaissant ses droits, se gouvernant lui-même, est certes d'une haute dignité humaine. Mais, au point de vue du bonheur, le résultat me paraît au moins douteux... Dans ce qu'on a appelé la névrose du siècle, dans cette surexcitation croissante qui transforme et détraque la nation, il est certain que le journalisme actuel joue le principal rôle. N'est-ce pas lui qui exaspère et qui propage les secousses ? Aussi tout gouvernement autoritaire commence-t-il par museler la presse, car il n'y a pas de meilleur moyen pour calmer les esprits... La vérité n'en est pas moins que la bête humaine, elle aussi, paraît avoir besoin de ces sommeils... Voyez où nous en sommes, après dix-huit ans de tribune et de presse libres : quel dégoût de la politique... Si nos Assemblées sont impopulaires, c'est qu'on nous occupe trop d'elles... elles font un bruit trop grand pour une trop petite besogne... la fièvre de l'information à outrance a ce côté mauvais de surexciter le public...
C'est le malade mis heure par heure au courant de sa maladie... ».


« Cette Presse
 est en train de refaire les nations, elle repétrit le monde. Où nous mène-t-elle ? Que de bêtises et de mensonges... Qu'importe la logique et la vérité, pourvu que le numéro du matin ait sa nouvelle à sensation ! Les reporters... sont les derniers à croire ce qu'ils écrivent... leur unique souci est d'apporter leur copie et de toucher leur mois... peu d'entre eux aiment leur métier... »

Répondez-moi par message. Je vous donnerai alors la réponse exacte.
Michel HUVET


jeudi 28 octobre 2010

MONUMENTS HISTORIQUES : L'ABANDON



J’entendais l’autre jour le maire de Dijon, François Rebsamen, vanter l’action municipale pour la défense du Patrimoine, et je me disais que c’est si rare d’entendre un maire de grande ville parler ainsi de politique culturelle en n’oubliant pas de la lier d’ailleurs à une action dynamique et contemporaine – réfection et agrandissement du musée des beaux-arts, classement de Dijon dans les villes d’art et d’histoire, demande de reconnaissance des « climats » de Dijon à Beaune au patrimoine mondial de l’Unesco, envoi des pleurants des tombeaux ducaux au USA, réouverture pour des expositions de Saint-Philibert –.

Quelques jours plus tard, direction la Bourgogne du sud. Las, en octobre, à part Cluny/abbaye et le château de Cormatin – visite au pas de course, amputée de celle des jardins et des douves –, vous n’aurez, en semaine, aucune chance de retrouver le goût de lire du Lamartine : Saint-Point ? Venez donc le week-end ! Milly ? Le dimanche seulement ! C’est assez décevant pour le touriste culturel qui ne demande pas forcément à être assimilé à un vacancier en panne de jeu de boules : on se contente alors, devant les grilles des lieux, de lire à haute voix les livres d’Émile Magnien ou Roger Gouze, et de déchiffrer les plaques mémoriales apposées là (avec citations heureuses) par l’association La Mémoire des lieux.

Il y a pire. On peut entrer, moyennant une modeste somme, dans la Chapelle des Moines à Berzé-la-Ville : là sont réapparues, en 1886, les peintures murales de la grande époque clunisienne, avec surtout , dans une mandorle, ce Christ pantocrator de 4 mètres de haut entouré des apôtres qui achèvent la semi-coupole de la chapelle. Le lieu, si unique en Europe, est donc ouvert en octobre ? Oui, bien sûr, car il appartient à l’académie de Mâcon qui le gère au mieux. Mais voilà : ce « monument historique », vanté lors d’une récente émission Des racines et des ailes par un représnetant de la DRAC, n’est quasiment plus aidé par le ministère de la Culture, et que le vent froid et la pluie vont encore longtemps entrer par l’oculus brisé du portail et, par l’humidité, compromettre la pérennité des chefs d’œuvre muraux.

Si l’on sait que c’est un peu la même chose à Dijon avec la chapelle de la Chartreuse de Champmol – encore qu’apparemment le maire de Dijon aurait réussi à convaincre la DRAC de l’aider, on croise les doigts –, on se demande vraiment à quoi servent les services des monuments historiques s’ils ne trouvent plus, dans nos impôts, de quoi assurer ce qu’ils ont promis.

Michel HUVET


mercredi 20 octobre 2010

BUSSY / BOZONNET : FRATERNITÉ D'EXIL


Lors de la récente séance solennelle de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, on a rendu hommage à Bussy-Rabutin, le glorieux exilé du règne de Louis XIV.

En fait deux exilés étaient présents : Bussy, bien sûr, mais aussi Marcel Bozonnet, sociétaire honoraire de la Comédie-Française, qui a lu les extraits des textes de Bussy. Exilé, lui aussi ? Oui, car celui qui fut Administrateur général de la troupe de Molière a été, il y a trois ans, remercié du jour au lendemain par le ministre de la Culture de l’époque, un certain Donnedieu de Vabres. Du coup, le généreux comédien a repris sa besace et son bâton, et il a trouvé refuge “en résidence” à la Maison de la Culture d’Amiens avec ses Comédiens Voyageurs.

Marcel Bozonnet, le sait-on, reste néanmoins un Bourguignon. Ce natif de Semur-en-Auxois entend bien un jour rentrer au pays : il vient d’acquérir la maison familiale au coeur de la cité de Mme du Chatelet. On peut rappeler que ce brillant étudiant en philosophie dijonnais s’était fait connaître lors du festival des Nuits de Bourgogne en jouant à demi-nu dans une pièce d’Arrabal, Le Cimetière des voitures, en 1969.

Remarqué ensuite par la critique au festival d’Avignon où il incarnait La Religieuse de Diderot, il pouruivit une carrière fulgurante à Paris, près de Jean-Marie Villégier (qui fut tout jeune professeur de philosophie à Carnot-Dijon) de Valère Novarina puis d’Antoine Vitez en particulier. Engagé à la Comédie-Française comme pensionnaire sous l’administration de Jacques Toja, il fut très vite élu sociétaire puis prit la direction du conservatoire supérieur d’art dramatique avant d’être nommé enfin en 2001 administrateur général de la Maison de Molière.

Il a lu les mots de Bussy avec, dans la voix, cette fraternité de l’exil qui rendait du coup Bussy très contemporain.

Michel HUVET

vendredi 15 octobre 2010

DIJON : L'ACADÉMIE ET LE LIBERTINAGE


C’est bien de libertinage qu’il s’agit puisque des universitaires sérieux et des académiciens dijonnais assidus se penchent en colloque sur le "libertinage au Grand Siècle" sous le beau prétexte de rendre hommage à Bussy-Rabutin.



Il faut dire qu’en quelques années à peine, la docte assemblée dijonnaise, toujours fière d’avoir attribué un prix à Jean-Jacques Rousseau au XVIII° siècle, s’est complètement renouvelée… dans ses méthodes et dans ses projets. Cela tient à Daniel-Henri Vincent, devenu président au début de cette année, qui a épuré son bureau et ses rangs de manière rapide et néanmoins légitime.

Pierre Bodineau, ancien président, devait avoir eu le tort d’avoir été adjoint de Robert Poujade. Et Martine Chauney-Bouillot, incontournable “docteur” de la Bibliothèque Municipale, d’avoir trop longtemps régné sans partage au secretariat général. Exeunt les trop-vus. C’est Catherine Gras, conservateur au musée des beaux-arts, et fille de Pierre Gras qu’on connut conservateur des Archives d’ici et d’au-delà, qui lui a succédé.

Du coup, d’autres souvenirs remontent qui expliquent la journée “libertine” de l’académie. Daniel-Henri Vincent, alors qu’il était DRAC en Bourgogne (directeur régional des affaires culturelles), et avant de sillonner la Creuse, la Corse et la Bretagne comme TPG, avant même qu’il eut songé à écrire si joliment ses souvenirs d’enfance dans le quartier dijonnais de Montchapet, était aussi président des Amis de Bussy.



D’où l’idée qui est concrétisée ce samedi 16 octobre lors de la séance solennelle de l’académie : remettre à la Bibliothèque Municipale, via le premier protecteur de l’académie qu’est le sénateur-maire de Dijon François Rebsamen, un manuscrit de 1691 du Discours à sa famille de Bussy, financé par les Amis du-dit comte, les Amis de la Bibliothèque Municipale, les académiciens généreux et les particuliers avertis.

On se souvient qu’il y a trente ans, enfin, Lucien Hérard rénova profondément les moeurs académiciennes et réinstitua le Prix jadis attribué à Jean-Jacques. Il est patent que DHV, comme on dit à Dijon, est parti pour réaliser le même toilettage. Pour les moeurs, c’est fait. Pour le prix, on attendra 2011.

Mais j’affûte déjà mes crayons.

Michel HUVET

vendredi 1 octobre 2010

OPERA DE DIJON : TRAGIQUE MADAMA BUTTERFLY


Le ciel ne brille plus sur la mer dans la baie d’Osaka. Non par minimalisme d’un metteur en scène obtus, mais parce que le coeur de Cio-Cio-San n’est plus chauffé par le moindre rayon. Comprendre cela – qui est dans la musique de Puccini –, c’est tenir les clefs de la stupéfiante, tragique et juste mise en scène que Jean-François Sivadier vient d’offrir à l’Opéra de Dijon pour cette Madama Butterfly qu’on n’oubliera jamais.

On voudrait, d’emblée, dire aussi que sans Pascal Verrot à la direction musicale, Sivadier n’eut pu être aussi bien “lisible” qu’il le fut ici : le maestro se glisse en effet dans cette optique de justesse tragique avec une science de la “couleur” orchestrale qui a transfiguré l’Orchestre Dijon-Bourgogne, attentif, précis, homogène et creuset du spectacle. Ce qui sidère au fond le plus dans cette version, c’est sa modernité et le fait que cette modernité soit autant dans la musique que dans le livret : opéra féministe, anti-colonialiste (on est en 1904 !) et dont le vérisme du style ressemble parfois à un impressionnisme intérieur !

Sivadier dit quelque part que le thème majeur de cet opéra est l’attente. Oui, attente d’un autre monde, attente de la mort inéluctable, attente de Dieu, quête d’absolu en tout cas. Attente aussi pour le spectateur/auditeur : rien ne se passe sur ce plateau nu jusqu’à ce qu’enfin s’envole un vrai papillon géant dans une écume d’étoffe déchirant le ciel. Et puis les images vont ainsi découler l’une de l’autre, au gré de cette musique que Pascal Verrot défluidifie et assombrit au fil des actes.

Et ces images sont comme les thèmes musicaux, les catacombes du coeur de Cio-Cio-San : séparation du couple dès l’invitation nuptiale, ciel de Toussaint à l’heure vespérale où l’attente devient insupportable, fleurs cueillies dans un jardin devenu squelettique et qui deviennent un cimetière d’illusions dans un Golgotha lugubre. Le plus étonnant, c’est bien l’adéquation parfaite obtenue avec ce que dit la musique de Puccini.

Faut-il ajouter que tout cela n’aurait qu’une vérité d’ectoplasme si des chanteurs/comédiens remarquables ne venaient habiter ce temps d’attente humainement désertique et le nourrir de leur sève charnelle. Tatiana Monogarova, pour ne citer qu’elle, est une soprano à la voix d’absolue vérité – rares sont les cantatrices dont la voix, à ce point, a la justesse de ce qu’elle incarne – qui ira jusqu’à se fracasser volontairement au dernier acte dans les accords cuivrés déchirants à à qui Pascal Verrot donne une force tellurique de fin du monde et dont l’harmonie tordue est digne du Schnittke des années 70 !

Michel HUVET





mercredi 29 septembre 2010

Orchestre Dijon Bourgogne : Illuminations


On se pince pour dire qu’on ne rêve pas : la saison nouvelle de l’Orchestre Dijon Bourgogne, outre son partenariat résidentiel avec l’Opéra de Dijon qui nous vaut deux merveilles de suite (Puccini, Madama Butterfly et Mahler/Bernstein), est digne des meilleures formations et surtout prometteuse de grande attractivité sur le public et de développement pour une formation née récemment et dont la région Bourgogne avait tant besoin. Le directeur général, Alain Weyssman, ne nous démentira pas, lui a bataillé si longtemps depuis Chalon pour que cette région ait enfin un orchestre digne de sa riche histoire musicale.

J’aime aussi lire, sous la plume de Pascal Verrot, son directeur musical, cet enthousiasmante profession de foi : “L’Orchestre Dion Bourgogne est porteur d’un fort potentiel de développement (…) L’heure est venue de formuler des voeux pour que ces rêves deviennent un jour réalité et pour qu’une pratique d’orchestre puisse épanouir et enrichir par ses illuminations une rgion qui le mérite”.