Mgr Roland Minnerath (Photo X) |
Que n’entend-on pas depuis quelque temps
sur la laïcité, sur les méfaits du christianisme qu’il faudrait rejeter
aujourd’hui comme on jette une guirlande usée avec le sapin de Noël ! Je
relisais dernièrement ces propos tenus par l’archevêque de Dijon, Mgr Roland
Minnerath, dans une lettre pastorale datant de 2013. L’éminent professeur et
théologien – il vient d’être nommé par le pape à la congrégation pour la
doctrine de la foi – y dit là avec clarté et force ce que doit être la laïcité
bien comprise et telle que l’a reconnue la loi de 1905. Prenez le temps de lire
jusqu’au bout en mettant derrière chaque mot l’actualité la plus récente.
Edifiant.
"Des interprétations outrancières de
la notion de laïcité visent à restreindre progressivement l’espace couvert par
la liberté de religion. On tend à étendre la laïcité à la société entière, en
faisant croire que la laïcité consiste à effacer tout signe religieux et toute
conviction religieuse de l’espace public et à confiner la religion dans
l’espace privé. En fait, on s’achemine vers un retour à la situation antérieure
à l’invention de la liberté de religion où le pouvoir politique régentait tout
l’humain, y compris la sphère que le christianisme lui a arrachée au profit de
la liberté humaine.En France, depuis la Révolution il existe un courant visant
à éradiquer le christianisme en lui substituant une religion séculière : culte
de la Raison, de la République, etc.
Gare à une religion civile...
Ces tendances se manifestent encore de nos
jours où des ministres déclarent ouvertement vouloir introduire la laïcité
comme « une religion pour la République » avec l’esprit républicain
pour credo, les enseignants comme clergé. La religion redeviendrait ce qu’elle
était avant le christianisme : une religion civile et un moyen pour le pouvoir
de dominer entièrement les hommes. Il ne suffit pas de déclarer la liberté de
conscience et la liberté individuelle d’avoir des opinions religieuses, si
l’Etat tout-puissant ne reconnaît pas d’interlocuteurs qui prennent en charge
la liberté de conscience et de religion. En ne reconnaissant pas
d’interlocuteur chargé de cette dimension spirituelle, l’Etat a naturellement
tendance à réinvestir le champ de la liberté intérieure pour formater des citoyens
manipulables à l’envi.
(…) Il est absurde aujourd’hui de
considérer les chrétiens comme des menaces à la République, à la liberté et aux
droits de l’homme. Ils sont ceux qui s’engagent le plus dans les associations
en défense des plus défavorisés et qui paient de leur personne pour plus de
justice. De même il n’y a aucune contradiction entre la foi chrétienne et la
recherche scientifique. La connaissance par la foi ne s’oppose nullement à la
connaissance scientifique. C’est sur le terreau du christianisme que la
méthode scientifique est née, tout comme la distinction entre la sphère
religieuse et la sphère politique.
Garante du lien social
Ces courants n’ont pas compris que le lien
social ne s’impose pas par l’idéologie, mais qu’il nait de la liberté. On admet
généralement que les sociétés démocratiques vivent sur des principes qu’elles
sont incapables de fournir et qui ont leurs racines dans des visions du monde
et de l’homme irriguées par les religions. Le laïcisme antireligieux n’a
rien appris des dérives totalitaires du XXe siècle. C’est déplorable. Nous
affirmons que la doctrine sociale de l’Eglise offre un espace de liberté et de
respect mutuel autrement consistant que les rêves d’enfermement des hommes dans
des idéologies sans ouverture vers le haut. La laïcité ne doit pas devenir
une religion séculière. La liberté de religion, comprise comme possibilité de
chercher Dieu et la vérité, est garante du lien social."
Vous avez bien lu ? Le lien social ne s'impose pas par l'idéologie mais il nait de la liberté.
Rien à ajouter.
Michel HUVET