Place de la République, 26 avril, 16 h 30 |
Emotion très grande ce jeudi 26 avril dans
les rues de Dijon. Le tramway nommé désir a circulé dans les rues et traversé
les places. À toute petite vitesse. Au pas des hommes en surplis jaune ou
violet qui lui faisaient escorte. Avec sa clochette grave au bout de son long
nez qui faisait se retourner, puis s’arrêter les passants.
Etrange émotion au long du boulevard
Clémenceau. Le convoi tout neuf, violacé sous le ciel gris, créait soudain dans
la ville une atmosphère de paix. On eut dit l’image arrêtée d’un film. Le
monsieur au cabas rouge et au pantalon jaune avait la bouche ouverte. Devant le
palais de justice, un avocat en train d’ôter sa robe noire, restait coi, un
bras en l’air. Une jeune femme, excitée comme une fan devant son idole,
demandait à un policier municipal de la prendre en photo devant le convoi
solennel. Un silence étonnant à cette heure de l’après-midi. Avec pour seule
musique celle du chintement doux du tram.
Le tram glisse devant le plais des congrès et s'engouffre sous le "pont" de l'Auditorium |
Après ces années de grande douleur pour la
ville et ses habitants, l’heure était donc venue de voir le rêve laisser place
à la réalité. Et dans ce silence, et dans cette vie soudainement ralentie, et
dans cette façon soudain calme qu’ont montré les passants en se parlant, en
commentant, en réapprenant à discuter, en souriant même, on se disait que la
vie reprenait du goût, que le Dijon de 2012 tendait la main au Dijon de 1961.
Un vieux monsieur essuyait une larme au
coin de la rue Jean-Jacques-Rousseau, sans doute saisi par la rétractation du
temps, ce tram élégant et luxueux lui rappelant sans doute le tramway brinquebalant
qu’avait connu à ce même endroit le jeune homme qu’il fut. Et près de lui, un
jeune d'aujourd'hui tout excité, et qui courait presque en marchant, racontait en verlan à un ami qu’il avait au bout de son
téléphone portable que c’était drôle tu sais de les voir, les keufs, escorter
le tram, si, si, jet’le dis, le tram tout violet qui roulait à même pas un à
l’heure, j’te dis.
Une belle ouverture en attendant le lever
de rideau de septembre. Dijon retient son souffle. Dijon attend enfin de
revivre.
Michel HUVET