Jean-Louis Roy est, à
Dijon, incontournable. Comme médecin, ce spécialiste a su développer une
hypnothérapie digestive qui fut révolutionnaire. Comme mélomane, il a inventé
Eurydice délivrée et présidé la regrettée ADAMA (Amis de l’Auditorium et de la
Musique). Comme fils de Jules Roy, il s’est battu en vain pour qu’à Dijon on
crée un jour Lieutenant Karl, un opéra dont son père était l’auteur du livret
et Aubert Lemeland le compositeur.
Déceptions et espérances
C’est donc avec un peu de
rage au ventre qu’il a publié divers écrits, notamment Le Maire, la Muse et
l’Architecte (1), où c’est déjà la politique de la Ville et de l’Auditorium qui
agitait ses nerfs. Voilà qu’il récidive aujourd’hui avec L’Auditorium de Dijon
(2), sous-titré Bientôt vingt ans. Il n’aura pas su attendre 2018 et ces vingt
ans pour vider autant d’admiration que de bile à propos de tout ce qui s’est
passé depuis 1998 par, autour, avec et contre cette salle de concerts
dijonnaise qui a bousculé la vie culturelle locale.
Avec une honnêteté
intellectuelle sans défaut, Jean-Louis Roy n’épargne rien des difficultés,
déceptions, espérances ou jubilations que la fréquentation de l’Auditorium lui
aura infligé au long des dix-sept ans d’existence de lieu dont Mistslav
Rostropovitch me souffla un jour qu’il était « un cadeau de Dieu ».
Il m’avait dit ça en coulisses un soir à l’entracte de Lady Machebth de
Smolensk, opéra de Chostakovitch qu’il dirigeait avec l’orchestre de Zurich.
Le livre du docteur Roy
est à la fois un brulôt et une anthologie. On est fixé dès le début sur la joie
du mélomane Roy devant l’Auditorium : « Avant l’Auditorium, il n’y
avait rien ». Et pan ! L’incipit n’y va pas par quatre chemins. Rien.
Cloués au pilori les sociétés de concerts et autres Camerata de Bourgogne, le
Conservatoire et le théâtre de Dijon qui offrit opéra et opérettes de 1827 à
2001 avec fierté, obstination et parfois du génie. Donc rien. C’était dire la
soif qui étanglait les mélomanes dijonnais qu’il représentait à la tête
d’Eurydice délivrée, association de mélomanes qui suivit le projet des premiers
plans à ses premières saisons.
Une "fatwa contre mon livre" !
Oui mais voilà, Euridice
ne cachait rien, et révéla parfois « ce qu’on désirait cacher ». Elle
fut marginalisée et dut finalement se saborder. Ce qui n’empêcha pas le docteur
Roy de maintenir sa pression pour que se tissent enfin, entre l’Auditorium et
le public, des liens durables et que celui-ci écoutât celui-là. Peine perdue
apparemment : « Les directeurs successifs ont peu à peu évincé ce qui
n’était pas eux ». Conclusion : L’Auditorium, devenu Opéra de Dijon,
« n’est pas encore une maison d’opéra : sans troupe, sans vedette,
sans orchestre, sans danseurs, sans salle de répétition ».
Le livre de Jean-Louis
Roy raconte tout des dix-sept années de la vie de l’Auditorium. Citations à
l’appui. Réflexions et interviews à la clef. Un petit bijou que Sylvie Bouissou
ne manqua pas de placer dans les livres et disques qu’elle offre aux entractes.
Las, la direction de l’Opéra décida d’interdire ce livre sur les étals de
l’Auditorium. Une « fatwa contre mon livre » s’insurge
Jean-Louis Roy.
Raison de plus pour le
lire, non ?
Michel HUVET
(1) Editions l’Harmattan,
2004
(2) Editions l’Harmattan,
2015