jeudi 24 novembre 2011

DANIELLE MITTERRAND ET LA VILLA ROMADA



Danielle Mitterrand est de retour en Bourgogne. Sa Bourgogne. C’est sur cette terre qu’elle convainquit François Mitterrand d’entrer dans la Résistance que sa famille avait rejoint depuis belle lurette. C’est à partir de Cluny et de sa famille qu’elle convainquit le même François Mitterrand que la gauche et le socialisme étaient aussi faits pour lui, bouillant ministre de la IV° qui n’avait pas de place dans la V°…

Cette dame exceptionnelle devait retourner dans sa famille. Et plus particulièrement tout près de la Villa Romada. Romada comme les premières syllabes de chacun des prénoms des trois enfants Gouze : ROger, l’aîné qu’elle aimait tant (directeur de l’Alliance Française, disciple d’Alain et ami de Bernanos), MAdeleine sa grande soeur (devenue Christine Gouze-Raynal, directrice de Elle), et DAnielle, elle-même, devenue première dame de France entre 1981 et 1995.

Il y a quelques années, juste après le décès de son frère Roger, elle accepta ma demande de venir à Dijon, au Salon du Livre que je présidais, à l’occasion de la parution de son Livre de ma mémoire, et s’en vint même au Théâtre des Feuillants présider la soirée que nous organisions en projetant en avant-première le film de Thierry Machado, Danièle Mitterrand l’insoumise.

À 83 ans, l’insoumise avait gardé un charme exceptionnel, un sourire désarmant, une volonté hors du commun. Son combat pour l’eau ou sa lutte pour les Kurdes lui collaient à la peau, hors tout engagement de politique politicienne. Et sa famille la portait, elle l’avouait sans honte, heureuse de la retrouver à Cluny chaque lundi de Pentecôte avec la montée de la Roche de Solutré qui correspondait à un voeu familial bien plus vieux que le mitterrandisme.

Cette année-là, elle nous avait emmenés dans l’un des nombreux châteaux lamartiniens : la photo que je voulus prendre d’elle est celle-ci. Elle s’était assise au bureau d’Alphonse de Lamartine au château de Saint-Point et c’est elle qui demanda à son fils Gilbert de la rejoindre. Elle nous parla de Lamartine, de la manière dont son frère Roger Gouze vantait l’auteur de l’Histoire des Girondins, de ses luttes et de ses souffrances.

Elle nous emmena enfin dans la jardin de la villa Romada où l’on inaugura une stèle à la mémoire de son frère Roger qui avait voulut qu’on y grava : "Mon corps est au cimetière, mon esprit est ici".

Ils y sont réunis pour toujours.

Michel HUVET


mercredi 9 novembre 2011

LE "BARBARE" ROGER BOUTEFEU AURAIT EU CENT ANS EN 2012






J’ai évoqué récemment la nécessaire commémoration par Dijon du centenaire d’André Ameller, musicien, compositeur, directeur du conservatoire de cette ville. J’aurais pu citer aussi Henri Vincenot, l’auteur de La Billebaude, ou Roger Gouze, tous nés eux aussi en 1912.

Sans oublier celui qui a marqué deux générations avec Jours de fête et le Journal du barbare, Roger Boutefeu, devenu bourguignon sur le tard quand cet ancien anarchiste et combattant avec les républicains espagnols s’en vint s’installer avec ses cinq enfants à Agey, dans le bas de Sombernon.

Roger Boutefeu était un ami. Du vieil anarchiste – ce qui lui valut la prison à la Santé à Paris après guerre – il avait gardé son franc-parler et un humour qui en dérangea certains, notamment à la Société des Auteurs de Bourgogne où il avait rejoint Lucien Hérard et Roger Brain.

Le Dictionnaire international de Anarchistes le décrit ainsi : "Fils d’un caoutchoutier, Roger Boutefeu, avait eu une enfance miséreuse et fut très jeune sur le ‘’trimard’’. C’est sur la route qu’il avait eu ses premiers contacts avec des bucherons libertaires. Il demeurait à Paris avant la Seconde Guerre mondiale et travaillait comme sangleur dans une entreprise de presse. Il fut, en 1933, gérant de Rectitude, organe de la Ligue des objecteurs de conscience, fondée par G. Leretour, où il écrivait sous le pseudonyme de A. Duret.

Volontaire en Espagne à l’été 1936, il envoya plusieurs articles et comptes rendus auLibertaire. Revenu en France il fut, de septembre 1937 à août 1938, gérant du Libertaire et, en 1939, membre de la commission administrative de l’Union anarchiste. Il fut également un des secrétaires de la Jeunesse anarchiste et comptait parmi les orateurs du mouvement qui intervenait régulièrement dans les meetings de l’UA et des Jeunesses. Il demeurait à cette époque 83 rue de Belleville (Paris 20). En 1938, avec Georges Gourdin il fut le responsable du bulletin L’Exploité (Paris, n°1, 17 mars 1938) organe des groupes d’usines de l’Union anarchiste, dont un deuxième numéro devant paraître le 8 avril n’a pas été retrouvé.
Condamné en janvier 1939 à douze et dix-huit mois de prison pour "provocation de militaires à la désobéissance dans le but de propagande anarchiste", il se convertit au catholicisme pendant sa détention à la prison de la Santé. »



Je garde précieusement les lettres de cet ami hors du commun qui signait toujours par cette formule : “Mes deux mains”.

Michel HUVET


samedi 5 novembre 2011

DE CANNES À ASSISE : SOUVENIRS D'AUTOMNE


Photo Reuters


Le silence, parfois, vaut mieux que la logorrhée dont ce temps est prolixe. Le silence pour écouter la petite voix qui résonne en tout être, celle qui n’a pas le souci de l’apparence, celle qu’on s’efforce parfois de ne pas vouloir entendre, preuve qu’elle dit la vérité et qu’elle sait ce que nous nous efforçons de nous cacher à nous-même.

Le silence qui est toute musique, comme le vent dans les arbres d’automne qui laisse le solo au doux crépitement des feuilles rousses qui se détachent des branches et volètent jusqu’à terre en pluie nostalgique. Le silence qui nous éloigne enfin du vacarme médiatique dont le monde d’aujourd’hui souffre à l’évidence plus qu’il ne le croit. Le silence qui nous reconstruit.

Nous n’avons pas pourtant été sourds durant ces orages traversés où a dominé la peur, si mauvaise conseillère. Peur de la charia dans les pays dont les régimes ont été balayés par le souffle de la démocratie. Peur de manquer, là où l’abondance a trop longtemps régné : crise de l’euro, crise aussi de la démocratie elle-même. Significatif de constater – même si son projet était aussi de politique politicienne – comment l’idée de Papandreou de demander leur avis aux Grecs a jeté le trouble chez les repus du G20.

Il y eut, donc, le G20 sur la Croisette, après la nuit blanche bruxelloise. Au milieu d’eux, les grands patrons si préoccupés de leurs dividendes, les banquiers si préoccupés de leurs produits financiers. Et tout autour, loin du tapis rouge, les “altermondialistes” en colère qui tentent de faire entendre la voix des sans-voix, le cri des pauvres, l’assourdissante complainte des chômeurs, ces délaissés de l’injustice des puissants.



J’ai, alors, réécouté le chant qui est monté d’Assise III, cette mélodie de la fraternité des humbles suppliants. J’ai entendu la voix de ceux qui écoutaient encore la petite voix intérieure. J’ai même goûté les propos des athées ou de ceux qui se disent tels, à l’instar de Julia Kristeva, qu’on avait invité à se joindre aux priants de la ville de saint François. Ils ont dit, ceux-là, qu’il était temps que l’humanisme né des Lumières – et que ne comprit pas Joseph de Maistre – rejoigne enfin l’humanisme chrétien dont il s’était séparé pour le malheur des peuples au long des deux derniers siècles.

Et dans le fouillis de feuilles jaunies sur lesquelles j’ai marché, j’ai presque senti le souffle annonciateur du printemps.

Michel HUVET