J’ai déjà évoqué ici cette grange du
prieuré à Vitteaux dont Jean-Louis et Martine Chastaing ont fait une "salle
Gaveau de l’Auxois". Ils ont reçu dernièrement un pianiste hors pair, hors
tradition, hors normes : Thierry Rosbach.
Un public venu de très loin l’a longuement
acclamé alors qu’il venait de le mettre littéralement en transes en jouant, que
dis-je en jouant, en bousculant les lois de la virtuosité et de
l’interprétation, cette pièce que Chopin amena avec lui de Pologne et avec
laquelle il devait éblouir l’Europe entière : l’Andante spianato et Grande
polonaise.
Mais son propos, en ce samedi soir, n’était
pas seulement de nous révéler l’écriture pianistique de Chopin, mais de nous le
faire redécouvrir dans sa modernité intrinsèque en le confrontant au dernier
des grands romantiques, Gabriel Fauré. Et là, on est resté confondus. Le 5°
Nocturne de Fauré, venu après l’espiègle Barcarolle en fa dièse majeur de
Chopin, ce fut un éblouissement pour les auditeurs : à peine remis des ombres
de tristesse qui enluminaient le barcarolle, voilà qu’ils entraient dans les
magies de timbres d’un Fauré qui relisait à sa façon le Polonais de Nohant.
Thierry Rosbach, qui enseigne au CNR de
Dijon comme au conservatoire supérieur de Lyon, est aussi un improvisateur : et
c’est cela le plus étonnant de son étourdissante maîtrise pianistique : quand
il joue le Nocturne en si majeur de Chopin, par exemple, il nous fait découvrir
l’oeuvre en train de naître, comme si Chopin, là, devant nous, s’était mis au
piano pour chanter la nuit du début de printemps dans l’Auxois.
Il y a, comme ça, des pianistes qui ne
jouent pas les stars médiatiques et qui se consacrent à faire partager leur
passion musicale dans un cercle plus étroit et sans doute plus vrai. Thierry
Rosbach est de ceux-là : cherchez à l’entendre, car il se mérite.
Michel HUVET
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