Benoît XVI, le pape à bout de fatigue (Photo Le Figaro) |
Voici ce qu’il en a dit, et ses
propos dénotent une extrême humilité : “Dans le monde
d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de
grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint
Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi
nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle
manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère
qui m’a été confié. »
Et c’est vrai qu’on eut pu noter bien des signes de
cette « fatigue » de Benoït XVI : quand il remettait sur ses
épaules la vieille « capa magna » depuis longtemps abandonnée, quand
il avançait la messe de Noël de minuit à vingt-deux heures, quand il se
délivrait sur d’autres d’un grand nombre de liturgies ou d’obligations (les
canonisations, par exemple), quand il reprenait son souffle et ralentissait ses
petits pas en arrivant aux audiences du mercredi…
De ce septennat pontifical, on retiendra les efforts
accomplis par ce pape pour assurer l’impossible succession qui s’offrait à lui.
Il l’a fait avec courage. Il l’a fait avec tout son cœur. On l’a très mal
compris car, à l’inverse de son prédécesseur, il avait mal organisé sa
communication. Les bévues ne l’ont pas aidé. On l’a caricaturé et il a dû en
souffrir. Ceux qui, comme moi, l’ont rencontré à plusieurs reprises peuvent
témoigner de la parfaite gentillesse de ce pape, de la douceur de sa voix, de
la clarté de sa pensée théologique. Rien à voir avec le « panzer-cardinal »
dont les médias nous ont abreuvé.
La place Saint-Pierre : en attendant le conclave (Photo MH) |
Sans doute n’y a-t-il pas, dans cette démission
insolite que des raisons de santé. Le Vatican bruit d’une foule de rumeurs,
complots ou trahisons, où la curie romaine paraît bien étrangement fourmillante
de vaines paroles. Le pape en était-il si las que, dans sa prière, dans son
intense prière, il a entendu le Christ approuver son intention de quitter sa
charge ? Certains le diront. Des vieux bigots, sans doute. Pas les jeunes,
ceux des JMJ, qui l’avaient adopté, qui l’aimaient et qui vont une fois encore
se sentir orphelins. Je revois la frêle silhouette de Benoït XVI aux JMJ de
Cologne, juste après son élection. Les jeunes, les yeux encore emplis des
larmes provoquées par la mort récente de JP II, lui firent des ovations aux
cris de « Benedetto ».
La frêle barque de l’Église a l’assurance de la
présence de l’Esprit-Saint. Si elle ne l’avait pas, aurait-elle traversé tant
de siècles et tant de turpitudes humaines ? Alors les chrétiens vont
prier, encore et encore, laissant les paparazzi aller guetter, sans doute dans
un village bavarois, ce pape honoraire jouant Mozart aux côtés de son frère
Georg, tout aussi musicien que lui. Ils vont prier en silence, ce don du Ciel
si oublié par la fureur de ce monde, le silence, « ce cadeau des anges
dont nous ne voulons plus, que nous ne cherchons plus à ouvrir » comme
l’écrit joliment Christian Bobin dans son dernier livre. Et ce silence, il
attendra pour le retrouver qu’ait cessé le vacarme que son retrait a provoqué.
Il attendra le 28 fevrier – un jeudi de carême – pour que se taisent en lui les
rumeurs médiatiques. Ce jour-là, il priera pour les saints du jour, Nymphas et
Eubule, dont il n’ignore pas qu’ils furent disciples de son cher saint Paul.
Ils vont prier aussi pour le prochain pape … qu’on
plaint d’avance. Et qui sera-ce ? Sans doute pas un Européen, la vieille
terre chrétienne étant spirituellement trop désengagée de la foi et de
l’Eglise. Peut-être un de ces jeunes cardinaux du Brésil ou d’Afrique – ou de
New-York ? – qui suivent le Christ là où il est aujourd’hui : au cœur
du monde.
Michel HUVET
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