Nicolas Sarkozy au palais de justice de Dijon (photo Jonas Jacquel – DijOnscOpe) |
Donc nous voici à quelque cinquante jours du passage dans l’isoloir, ce moment où, le rideau étant refermé, face à une planchette grise où il n’y a même pas la place de disposer les bulletins du choix, il nous faut décider "en notre âme et conscience".
La difficulté, cette année plus encore que jadis, c’est que tout homme d’État a perdu toute aura. Que les dieux de l’Olympe sont redevenus des simples hommes, faibles, âpres au gain et sans mémoire. Des hommes banaux qu’Internet donne l’illusion de pouvoir traiter comme un conducteur excédé traite un chauffard sur la route. De simples hommes avec leurs nombreux vices et leurs petites vertus.
La seconde difficulté c’est sans doute dans l’uniformisation des pensées politiques. Gauche, droite, bonnet blanc et blanc bonnet, comme disait Marchais hier et comme dit Marine aujourd’hui. Le rideau de fer est définitivement relevé. Et comme nous vivons au temps décadent du "people" à tout crin – les épouses des candidats deviennent des arguments électoraux –, on remplace les idéologies défuntes par les communautarismes résurgents.
Et puis, grande première en France, le "sortant" est déjà sorti. Il s’est enfermé dans une spirale de l’échec et tout ce qu’il fait, tout ce qu’il dit, lui revient en négatif. En fait, il ne sait plus quoi dire, alors il gaffe. Il tente de trouver des mesures contre les riches après les avoir servi. Il annonce qu’il va imposer la rénovation de Schengen alors que le chantier est lancé à Bruxelles depuis belle lurette. Il essaie de ressortir la peur de l’autre comme il y a cinq ans, mais c’est trop tard, et une autre est déjà passée par là.
Ainsi les hommes politiques connaissent-ils tous un jour, près du Capitole, la proximité de la roche tarpéïenne. Je crains fort pour Nicolas Sarkozy que la pente sur laquelle il glisse soit trop savonnée pour qu’il puisse la remonter. Déjà se profilent derrière lui les ombres de ceux qui le lâchent ou s’apprêtent à le faire. C’est certes cruel à vivre mais c’est inéluctable. Menace de dernier recours : "J’arrête la politique", dit-il. Quitte ou double. Pile ou face. Ca passe ou ça casse. Le problème c’est que ceux qui font de la politique un métier l’ont fait parce qu’ils l’ont bien voulu, pas parce qu’on le leur a demandé !
Tel est le contexte à moins 50 jours. Et même si le paysage politique change d’ici là sous la pression de la rue, des banques ou de la "crise", il n’empêche que ce serait, le 6 juin au soir et dans ce climat désenchanté, une bonne occasion pour la France de copier nos amis allemands – qui l’ont fait si souvent – en mettant en place une "grosse Koalition", un gouvernement d’union nationale.
Après tout, il serait bien temps, une fois la situation assainie, de revenir à nos divisions légendaires, montagnardes ou girondines, bonapartistes ou légitimistes.
Michel HUVET
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