Débaptiser un stade (ou une rue, une salle, un lieu public) n’est pas sans risque, ni sans précédent. Cachez ce nom que je ne saurais voir, disait-on à Moscou au temps de S, ou à Berlin au temps de SS.
Débaptiser un stade (ou une rue, une salle, un lieu public), c’est aussi retirer de la mémoire à une collectivité. Même des villes ont été débaptisées (Volgograd, Saint-Petersbourg, Smyrne, Sébastopol) au nom de propagandes diverses et variées.
Alors, à Dijon, faut-il vraiment débaptiser le stade Gaston-Gérard que fit construire ce maire de la ville (1935) et secrétaire d’État au Tourisme de la III° République et qui risquerait donc de passer à la postérité médiatique maintenant que l’équipe de football de la ville est en "Ligue 1", ce nec plus ultra du commerce florissant et des affaires louches qui se cachent derrière le beau nom de sport ?
Gaston-Gérard, est-ce un nom qui gène ? Oui, sans conteste. Ce diable d’avocat gastronome, qui vécut jusqu’en janvier 1969 – il voulait mourir après son pire ennemi, le chanoine Kir – dans son hôtel particulier de la rue du Petit-Potet, fut plus ou moins vichyste et moins ou plus collaborateur au temps de l’Occupation, et c’est évidemment ce qui dérange le plus les édiles d’aujourd’hui.
On se demandera alors pourquoi avoir attendu la montée en ligue 1 de l’équipe de football dijonnaise avant de s’interroger sur le nom honni du stade où elle va jouer. D’autres équipes sportives huppées y ont joué, le Tour de France y a fait étape en 1957 et 1958, de grandes compétitions internationales d’athlétisme s’y sont déroulées ainsi que … les grandes "fêtes des écoles publiques" dans les années 50. Ni le chanoine Kir ni le docteur Veillet, ni Robert Poujade (ni leurs oppositions) n’ont songé à donner un autre nom à ce stade qu’on appelait tout simplement "le parc des sports".
J’ai même en mémoire cette volonté de Robert Poujade de faire voter un texte qui dénommait définitivement le "lac Kir" en "lac de Dijon". Rien n’y fit, et même pas le décret : tous les Dijonnais continuent de l’appeler "lac Kir", comme tous les vieux Dijonnais appellent encore "Modernes" les actuelles Galeries Lafayette !
Question subsidiaire : si on débaptise, pour quel autre nom se prononcer sans risque, hum ?
Michel HUVET
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