On nous a déjà piqué les numéros de département avec les nouvelles plaques d’immatriculation. Heureux temps où, partant en vacances, on s’écriait dans la voiture dans un bouchon : "Oh, une 21, là, comme nous !" Il y avait comme un air de pays, on se faisait, du coup, des politesses, un petit signe, un sourire. Être du 21, c’était ne pas être du 75, beurk, ces Parigots-têtes-de-veau qui venaient nous narguer dans notre chère province…
Donc, fini le 21 sur la voiture. On ne sait plus, désormais, sauf à reluquer la plaque d’en face avec une loupe, de quel département sont les personnes qu’on croise sur la route ou en ville. D’ailleurs, on n’apprend plus les départements en classe. Pau, c’est le combien ? Et le 15, c’est où ? À peine savait-on encore que le 06 c’est Cannes, que le 59 c’est les Chti, voire que le 20 c’est la Corse, et encore.
Les élections de mars prochain vont donc être les dernières à évoquer, pour chaque électeur, son département. Le canton sera le premier mort de la réforme territoriale, et Baigneux-les-Juifs ou Grancey-le-Château ne seront plus des chefs-lieux. Le conseiller général ne sera plus général mais territorial. Ca en imposera, nul doute à avoir, dans l’assemblée régionale où les conseillers de Luzy, de Joigny ou de Charoles se sentiront encore moins concernés par les problèmes de leurs collègues de Seurre, de Liernais ou de Dijon VIII.
C’est comme si un petit bout de notre mémoire collective allait disparaître. Alors, dira-t-on, comment se reconnaîtra-t-on entre "pays" ? Relisez Vincenot dans La Vie des paysans bourguignons au temps de Lamartine. Il nous raconte qu’il savait être de retour en Bourgogne quand, dans un village, il voyait un vieux paysan prendre un enfant dans ses bras et l’entendait lui dire : "Sacré vingt dieux de p’tiote charogne" !
Michel HUVET
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