lundi 28 février 2011

DIJON : LES GARGOUILLES DE NOTRE-DAME



Il est des soirs où l’âme est douce comme l’air de la nuit qui tombe. On va, main dans la main, errer dans ce vieux Dijon qui n’a pas pris une ride depuis le Moyen-Âge, on fait un voeu secret en touchant la chouette sur le côté de l’église Notre-Dame, on goûte d’exquis glacés-mince à la Maison Millère, on déplore ces sapins encagés qui voudraient orner la porte sculptée de l’hôtel de Voguë, on se pose même sur le banc de pierre sur lequel s’assit un jour un célèbre Cyrano de cinéma.

Et puis, revenus sur le pavé replet qui borde le palais où naquit Philippe-le-Bon, écoutant le vent d’hier chanter dans les arbres aux ombres desquels murmure l’Histoire, on marche jusque vers le parvis de l’église quand Jacquemart, là-haut, tout là-haut, sonne neuf coups éraillés. Alors, on lève la tête. La façade se dresse, muraille cachant le ciel et l’on reste émerveillé, abasourdi, stupéfait.

Cinquante-et-une gargouilles tendent le cou hors la façade, chimères, monstres, animaux fantastiques : tous nos tourments, tous nos vices, tous nos doutes tirent ainsi la langue ou louchent à qui mieux-mieux sur nos mornes silhouettes, là en bas, tandis que Jacquemart, ou sa Jacqueline, font encore tinter les neuf  notes de cuivre pour chasser quelques étourneaux attardés dans le soir.

C’est là qu’Aloysius Bertrand mit en prose cette poésie de la pierre et des ombres qui enchanta tant Mallarmé, c’est dans la venelle de la chouette que Jean-Philippe Rameau entendit son coeur jaloux lui fredonner les airs de Castor et Pollux… C’est de là qu’on entend sonner les carillons de Bruges. C’est de là qu’on repart pour l’aujourd’hui de nos vies : les gargouilles, elles, continuent de se tordre le cou pour nous souhaiter un peu de paix.

Michel HUVET



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