dimanche 22 décembre 2013

CÔTE-D'OR REDÉCOUPAGE : LES SDF DE LA POLITIQUE



Infographies IGN-Ministère Intérieur



La guéguerre politique en perspective des élections municipales se passe pour l’essentiel à coups de communiqués. Champion toutes catégories du genre : le président du conseil général. Pas un jour sans communiqué. Chaque décision est l’objet d’un envoi, comme chaque vote d’une loi. Il faut dire que l’opposant UDI ne supporte aucun acte de la majorité, pourfend toute décision de Matignon, s’insurge contre chaque acte présidentiel, et poursuit inlassablement sa guerre pour la défense des territoires ruraux, gravement menacés, selon lui, par le redécoupage cantonal. C’était la suite logique de l’appel de Vitteaux, lancé l’été dernier.

Or quoi ? Est-ce que rester dans le statu quo cantonal va mieux sauver les territoires ruraux ? Si tel était le cas, on s’en serait aperçu plus tôt, non ? Et même s’il est navrant de voir que le nombre d’habitants devient prépondérant par rapport à celui des hectares, s’il est désolant de voir le canton de Châtillon-sur-Seine s’élargir au point que deux conseillers départementaux feront des kilomètres pour défendre leurs mandants, s’il est certain que dans certains cas la parité exigée va créer de sacrés conflits au sein même des partis, on ne voit pas se dessiner là-dedans le moindre espoir pour le monde dit rural.

Il se dit donc que ce redécoupage est l’oeuvre souterraine de François Rebsamen. Lui, le “duc” de Bourgogne, répond avec malice dans Dijon l’Hebdo : "Notez qu’à Dijon, on aurait pu faire sept cantons. Il y en aura six pour une ville qui compte 155 000 habitants. Dans le Châtillonnais, on peut le regretter, ce sera un canton pour 110 communes. Un canton pour à peine 20 000 habitants… Un canton avec un homme et une femme. C’est peut-être ça qui gêne la droite. François Sauvadet mène une campagne politique sur le sujet. C’est son droit".

Il ajoute ceci, comme on enfonce un clou : "Mais la vérité, c’est que le découpage électoral est la conséquence de ce qu’il avait précédemment voté, à savoir le conseiller territorial entraînant la suppression des cantons. Cette disposition annulée, il a fallu recréer des cantons en tenant compte de paramètres fixés par la Constitution, notre cadre de vie commun, qui précise en la matière que les écarts de population ne peuvent pas être supérieurs à 20 % en moins et 20 % au dessus de la moyenne. Le Conseil constitutionnel l’a redit. Ce qui fait un écart de 40 % entre le rural et l’urbain. J’avais proposé au Sénat 30%. L’UDI n’a pas voulu suivre ma proposition". Comme disait Molière : et voilà pourquoi votre fille est muette…

Tout ceci pour dire que ce qui intéresse les politiques n’est pas tant le monde rural que leur propre sort. Pourquoi croyez-vous qu’Emmanuel Bichot tente à Dijon ce qu’il sait perdu à Saint-Romain ou qu’Alain Houpert quitte Salives pour Dijon ? Et pourquoi François Sauvadet fait-il tant de bruit en ce moment si ce n’est qu’il sait devoir, après mars, perdre son canton, sa communauté de communes et que, député en déshérence, il sait que son devenir départemental est bouché ? Du coup, faire parler de soi est utile quand on sait que, derrière les élections européennes de juin, se profilent des élections sénatoriales “new style” et que le Palais du Luxembourg apparaît comme un refuge cinq étoiles à tous les SDF de la politique.

Voyez combien tout est, là aussi, bien lié. La télé dijonnaise Voo TV a fait les frais de la querelle "sénatoriale" qui oppose François Patriat à François Rebsamen – tous les deux voulant rester sénateurs – tout comme l’aéroport de Longvic a fait les frais de la querelle Rebsamen-Sauvadet.


Municipales : la galette des rois

Un sacré remue-ménage au moment où, dans les villages et les petites villes, s’affûtent des listes possibles pour renverser des maires en place dont un grand nombre, sans doute lassés par tout ce cirque, annoncent qu’ils renoncent à se représenter. Ceux qui veulent se succéder à eux-mêmes regardent s’agiter en coulisses d’éventuels opposants dont ils ignoraient souvent l’existence !  Ainsi Alain Suguenot a-t-il dû être surpris d’apprendre que son opposition serait menée par un néo-beaunois, ingénieur des ponts, Jacques-Hervé Riffaut qui sait si bien s’y prendre qu’il ne parle jamais de lui ni ne critique jamais sa gestion.

Habileté qu’on retrouve aussi du côté de Châtillon-sur-Seine où tout le monde se connaît et où l’étiquette politique compte très peu : Paul Brossault a des relations à droite comme à gauche et trouble ainsi le jeu avec habileté. Pour le reste, c’est encore l’inconnu. On attend de fêter les rois pour dévoiler les noms des prétendants à la couronne municipale. En revanche, pas besoin de galette à Semur-en-Auxois, à Chenôve, à Chevigny-Saint-Sauveur, à Talant, à Saulieu, à Montbard, à Nuits-Saint-Georges… Il y aurait même, dans certaines de ces villes, y compris Dijon, concurrence exacerbée sur les mêmes chemins.

Les électeurs, eux, en sont encore à éplucher leur feuille d’impôts, pas à savoir pour qui ils voteront en mars.

Michel HUVET


samedi 23 novembre 2013

DIJON : LA MORT DES ENTREPRISES CULTURELLES



Lib' de l'U : menacée ...
Tandis que les politiques s’amusent comme des petits fous à s’envoyer à la tête des communiqués incendiaires façon cocottes en papier chez les lycéens d’hier, les villes ou les cantons qu’ils sont chargés de gérer agonisent doucement sous leur nez. Des petits faits, sans doute, mais tellement révélateurs du changement de société, changement subtil qui doucement nous éloigne de toute intimité, de toute réflexion, de toute conscience peut-être.

La lecture, d’abord. A Dijon, par exemple, on voit petit à petit mourir une librairie qui fut un modèle national au temps de Jacques Bazin : la Lib’ de l’U, comme l’appellent encore les Dijonnais, est en vente comme toutes celles qui sont labellisées “chapitre.com”. Je sais bien qu’une autre librairie l’a avantageusement remplacée dans le coeur de beaucoup, je sais bien qu’un repreneur va peut-être se présenter, comme Zorro dans le feuilleton d’hier, mais on me permettra de voir dans ces borborygmes commerciaux comme des signes de la fin d’une civilisation.


Pour qu’il y ait des livres, il faut aussi qu’on les imprime. Et là aussi, c’est la catastrophe. Voyez l’Imprimerie Darantière, jadis fleuron de la qualité des livres en France – on y imprima les volumes de La Pléiade en papier bible –, dont on apprend avec la coeur brisé qu’elle va être mise en redressement judiciaire. Vous me direz que ce n’est pas un événement, que les banquiers s’en contrefichent, et que la mort des coches d’eau n’a pas changé la face du monde.


Manifeste sur la vitrine d'Harmonia Mundi (Photo BP)
Autres mauvaises nouvelles, coup sur coup : la fermeture du magasin Harmonia Mundi, seul lieu culturel digne de ce nom dans le paysage commercial dijonnais, seul lieu où trouver toute la "musique du monde" – celle qui vient d’ailleurs – et toute la musique dite "classique", ce genre de magasin étant à la musique ce que les musées sont à la peinture. Sylvie Bouissou, avec son sourire et ses conseils, méritait mieux que ce crépuscule du magasin qu’elle a tenu avec tant de volonté et d’imagination.




À peu près à la même époque, tandis qu'on apprenait à Paris que les Pianos Pleyel mettaient eux aussi la clef de sol sous la porte, un petit magasin au joli nom – la librairie Concerto, spécialisée dans la musique elle aussi – et qui jouxtait le nouveau palais de justice à deux pas du conservatoire, a baissé définitivement son rideau. Sa sympathique directrice, Régine Vervandier, a écrit ceci sur le blog qu’elle tient sur le web :

La librairie musicale Concerto (Photo X)

"Depuis 20 ans à votre service et au service de la Musique, votre Librairie
a fermé définitivement. La baisse de fréquentation du magasin à la suite des travaux du tramway qui a eu pour conséquence un accès au magasin difficile et décourageant, le recours à l'achat en ligne... la crise économique favorisant les photocopies des partitions... m'ont contrainte à cesser mon activité.
"Je remercie chaleureusement mes clients et les professeurs qui m'ont fait confiance pendant toutes ces années et cette relation enrichissante me manquera beaucoup. J'ai une pensée particulière pour toutes les personnes qui m'étaient restées fidèles et qui m'ont témoigné leurs regrets de voir fermer leur librairie et bien souvent leur amitié. Je leur adresse mes remerciements émus."

Et pendant ce temps-là, on regarde la télé, on pousse son caddie, on finit par croire que la musique de L’Arlésienne c’est de le publicité pour lessive, que l’alleluia du Messie de Haendel vante un fromage et que Rameau est une branche d’olivier. 

Michel HUVET



mardi 5 novembre 2013

MUNICIPALES CÔTE-D'OR : BALLOTTAGES EN VUE



À l’entrée de l’hiver, les jeux municipaux sont loin d’être faits.

D’aucuns, à droite, s’imaginent que l’effondrement du Gouvernement et du président Hollande dans les sondages vont leur offrir un tapis rouge pour conquérir leur ville. D’aucuns, à gauche, s’aveuglent en niant la part que le national peut prendre sur le local, étant entendu, pensent-ils, qu’une ville, qu’une commune, qu’un canton seraient loin d’en être électoralement influencés.

Tous se trompent. Sauf dissolution de l’Assemblée – une erreur commise par Chirac en 1997 et que Hollande ne devrait pas réitérer –, la part du « national » ne jouera aux municipales que pour ceux qui avaient été élus de justesse en 2008.

Ballottage à Dijon ?

F. Rebsamen (AFP)

A. Houpert (France 3)

À Dijon, par exemple, François Rebsamen a déjà repéré d’où viennent les dangers. D’abord du FN et du jeune Edouard Cavin qui semble avoir le même abattage que son regretté père. Cela fait une liste de plus qu’en 2008.

DLDG (La Gazette)

Ajoutons-y la liste prévisible du Front de gauche. Et celle d’Alain Houpert (UMP) voire celle, très facebookienne si ce n’est coluchienne, du noctambule DLDG. Cela fera beaucoup au premier tour, et si Emmanuel Bichot, par exemple, maintenait sa liste, on irait au ballottage, ce qui ne s’est pas vu depuis 2001.

Le FN à l’affût

Pour le reste des « grandes » villes de Côte-d’Or (de 25 000 à 6 000 habitants, ce qui est peu par rapport à Dijon), la montée du FN sera d’autant plus sensible que les ruraux y voient souvent le remède à tous les maux qui les accablent.

Les affidés de Marine se pourlèchent déjà les babines en lorgnant du côté de la plaine (Saint-Jean-de-Losne et environs) ou, dans l’agglomération dijonnaise, du côté des petites villes de gauche (Chenôve, Longvic) ou de droite (Chevigny) où certaines usures ou divisions sont apparues cette dernière année.

La fin des cantons




 Sur le reste du territoire côte-d’orien, les municipales seront de toute façon uniques en leur genre : la loi instituant les listes bloquées pour les petites communes de 1 000 habitants, à quoi on peut ajouter l’indispensable parité, bouscule toutes les habitudes. Ici on cherche des femmes avant de bâtir un projet, là on tente de deviner qui du conseil sortant va oser faire une liste contre le maire sortant avec qui il travaillait depuis pas mal de temps.

Et dans ces élections, le non-dit sera très présent. Car les lois instituant des conseillers territoriaux, redécoupant les cantons traditionnels – outre qu’elles annoncent la fin des départements (mais Chevènement l’avait déjà presque réalisé il y a douze ans) – font tanguer bien des élus qui cherchent partout, comme des chiens truffiers, des mines d’or électorales loin de leurs anciens fiefs.

Michel HUVET



mardi 22 octobre 2013

LE RING À L'OPÉRA DE DIJON : III.- LE CONTRAIRE D'UNE IMPOSTURE



La dernière scène du Crépuscule des Dieux (Photo Gilles Abbegg)

Rideau retombé une dernière fois, on prend le temps de se remémorer ce Ring. Et de relativiser aussi l’invraisemblable et malhonnête critique lue dans un hebdomadaire jadis sérieux. En la lisant, je me suis cru dans Tintin débarquant en Afrique noire : si j’ai bien compris, on ne saurait, chez les provinciaux que nous sommes et qui n’ont évidemment aucune culture lyrique, jouer du Wagner, encore moins le Ring. Bref, Wagner chez les ploucs. Passons.

Ce Wagner-là, tel que coupé, tel que mis en scène, tel que précédé de deux préludes dits contemporains, eh! bien oui, il est génial. Et si Richard Wagner lui-même avait été présent début octobre à l’Auditorium de Dijon, je ne doute pas qu’il eut salué la performance de l’Opéra de Dijon, j’en suis persuadé. Et j’en connais autant sur Wagner et la manière dont il eut ressenti ce que d’aucuns ont appelé une “imposture” que les savantissimes docteurs de la loi musicale.

Alors oui, c’est vrai, une curieuse dramaturgie. Parlons-en. Laurent Joyeux et Stephen Sazio ont réalisé un Ring débarrassé du pathos mythico-germanique pour ramener les personnages, Wotan compris, au rang des promeneurs solitaires façon Rousseau. Leur Siegfried a toute l’innocence sauvage de celui qui est “bon naturellement” et que la société va corrompre (Götterdämmerung) jusqu’à ce qu’il en meurt. Brünnehilde est la femme qui sait tout, qui comprend tout, y compris la pensée inconsciente de Wotan : elle sacrifiera sa vie pour que le monde soit rédimé. Tout cela dans une atmosphère de conte, d’arbres renversés, de livres et de cahiers effeuillés à tous les vents – savoir inutile, sciences inefficaces, études notariales absconses.

Le réveil de Brünnehilde au 3° acte de Siegfried (Photo Gilles Abbegg)
Wagner trahi ? Non, c’est le sens de son message, c’est ce que dit sa musique, et c’est ce que lui fait dire Daniel Kawka d’une baguette clairvoyante et avec un orchestre aussi lucide que limpide. Cette musique de visionnaire est chargée de la couleur à laquelle la dramaturgie a volontairement renoncé. Cette musique se développe, irradie et enflamme toutes les scènes naturelles (Rhin en vagues, Walhalla en feu, arc-en-ciel, forge, chasse, tempêtes, chevauchées) que le metteur en scène a laissées dans l’ombre, les personnages demeurant quasi-immobiles comme s’ils rêvaient ce que décrit cette musique totalement évidente.

Cela peut effectivement dérouter quelques-uns des pseudo-spécialistes, décontenancés par cette lecture structurelle d’une oeuvre hors du commun qui les a obligés à se nettoyer eux aussi les oreilles et à se débarrasser de leurs vieilles habitudes philosophico-musicologiques. Ce qui compte, c’est que les auditeurs et spectateurs de ce Ring, – souvent à leur première écoute de Wagner voire leur première rencontre avec le monde lyrique –, en aient saisi spontanément, grâce à cette vision mozartienne, la modernité et la force poétique.

Michel HUVET





lundi 14 octobre 2013

LE RING À L'OPÉRA DE DIJON : II.- SOUS LE REGARD DE FRIEDELIND


C'est bien Friedelind Wagner qui accueille les spectateurs à l'Auditorium (Photo Gilles Abbeg)


Une fois le rideau baissé, après que les quatre drames musicaux ont livré leurs parfums, on reste un instant dans le large fauteuil de cette salle de l’Auditorium à l’acoustique parmi les meilleures d’Europe – elle vaut celle en bois de la “Philharmonie” à Berlin – et on revit tout ou partie des fortes émotions qui nous ont ébranlé l’âme deux jours durant avec ce Ring offert en grande première à Dijon cent trente-sept ans après la création à Bayreuth.

Alors quoi ? C’était donc ça la fameuse tétralogie ? C’était donc ça la saga mythologique wagnérienne, celle qui faisait peur à tout un chacun, surtout en France, depuis des générations ? On se frotte les yeux : ce Ring, quoi qu’en aient dit des Parisiens jaloux et des puristes traditonnalistes, constitue bien un événement qui fera date, et sa modernité est tout autant dans son poème dramatique – les jeunes ne s’y trompent pas qui sont abreuvés aux romans de science-fiction façon Seigneur des anneaux  – que dans sa musique inouïe dans tous les sens du terme.

Laurent Joyeux et Daniel Kawka ont réalisé ce que tout mélomane connaissant le génie wagnérien rêve depuis sa conversion à l’homme de Bayreuth : qu’on le réhabilite enfin après tous les masques dont l’Histoire a voulu l’affubler, sur lui comme sur sa tétralogie, qu’on le réhabilite pour qu’enfin on découvre son génie visionnaire et sa façon, comme disait Boulez, de "rouler des énergies à l’état naissant". On en avait assez des Walkyries en vaches rhénanes, des suspicions politiques dès qu’on mettait le pied sur la colline bavaroise, voire des quolibets des lyricomanes façon Massenet/Verdi qui renâclaient à Wagner faute d’y trouver des contre-ut et des occasions de bisser.

Encore fallait-il que le projet de ce Ring ait un angle d’attaque. C’est Friedelind qui l’a apporté, le petite-fille de Wagner ayant, si l’on ose dire, fait le premier travail de réhabilitation en fuyant famille et patrie dès 1940 et, après un séjour en prison et la fuite aux USA grâce à Toscanini, jeta ceci dans les micros  : "Wagner est mort et ne peut se défendre (…) La rédemption, ce motif profondément christique se révèle comme le véritable leitmotiv de l’oeuvre de Richard Wagner et Hitler, le blasphémateur, blasphème ainsi Wagner en en faisant son artiste de prédilection (…) Richard Wagner, qui chérissait la liberté et la justice plus encore qu’il n’aimait la musique, n’aurait pas pu respirer dans l’Allemagne de Hitler".

De g. à d. Daniel Kawka et François Rebsamen, maire de Dijon, lors du vernissage de l'exposition (Photo Gilles Abbeg)

L’exposition sur Friedelind – qui va rester deux mois en place –, tout autant que le beau spectacle du Golem Théâtre donné durant une semaine en hommage à Friedelind, s’est ainsi présentée comme la porte d’entrée symbolique à la réalisation du Ring par Laurent Joyeux et son équipe. C’est elle qui permet de comprendre la mise en scène poético-ironique où les dieux sont enfin ramenés à échelle humaine, où est affirmée la liberté comme suprême et unique valeur existentielle. C’est aussi ce que dit la musique de Wagner, d’un bout à l’autre : sans l’amour, sans la rédemption apportée in fine par Brünnehilde/Antigone, pas d’issue.

Et la musique le dit parce qu’un orchestre unique – créé pour la circonstance comme l’avait fait le compositeur en 1876 – a suivi un chef comme Daniel Kawka dans cette entreprise d’archéologie musicale qui aboutit à renforcer encore, s’il en était besoin, le génie et la modernité d’un artiste hors normes.

Michel HUVET

Voir aussi : III.- Le contraire d'une imposture



vendredi 11 octobre 2013

LE RING À L'OPÉRA DE DIJON : I.- ADIEU PATHOS, BONJOUR POÉSIE


Les filles du Rhin selon Laurent Joyeux à Dijon (photo Gilles Abbeg)



D’emblée, il faut préciser : la réussite exceptionnelle du Ring wagnérien à Dijon est due à ce qu’on ne trouve pas souvent dans les maisons d’opéra : la vision claire et commune, chacun dans son domaine, du chef d’orchestre et du metteur en scène, Daniel Kawka d’un côté, Laurent Joyeux et son érudit complice Stephen Sazio de l’autre. C’est incontestablement cette identité de vue qui donne à ce Ring sa valeur légendaire et en fait désormais une référence.

La première des réussites est dans l’approche générale de cette oeuvre gigantesque : une volonté manifeste de débarrasser Wagner de tout pathos et des encombrantes traditions qui se sont accumulées au fil des décennies. Non, le Walhalla ne s’écroule pas dans un déluge de feu et d’eau, non la marche funèbre de Siegfried ne s’étire pas dans un torrent de larmes et de sanglots lentement éternués.

L’ensemble de ce Ring se meut ainsi dans une sorte de clair-obscur, en noir et blanc, une sorte de crépuscule permanent qui laisse parfois entrevoir une aurore naissante, par exemple quand les dieux rentrent au Walhalla (Rheingold), quand Wotan quitte Brünnhilde endormie sur son rocher-cygne (Walküre), et surtout quand un enfant survit au désastre final, arrivé du couloir de l’infinie espérance (Götterdämmerung).

 Pas de couleur ? Si ! Elle est dans la musique, elle sort en bouquets poétiques de la “fosse mystique” dans laquelle un orchestre époustouflant obéit à un chef, Daniel Kawka, qui ne l’est pas moins. Avec des tempi rapides, un sens du détail instrumental de chambriste, il laisse Wagner devenir ce qu’il est et que beaucoup ne savaient pas ou plus voir : un immense poète visionnaire. Ce sens poétique est ainsi dans la fosse autant que sur la scène. Intense poésie des décors – le rocher cygne, les arbres de papier, la vieille bibliothèque qui entasse au Walhalla un savoir poussiéreux – et intense poésie musicale avec cette direction quasi-mozartienne.

Il y a même plus : la modernité incroyable de la musique de Wagner. Quand on sort des deux préludes composés par Brice Pauset pour chacune des deux soirées du Ring – insondable gouffre de chuintements et de grincements pour La Vieille dame sur un grave mi bémol préparant celui du Rheingold, frottements et étincelles pour le tissage des fils des Nornes – on est saisi par les combinatoires instrumentales de Wagner et leur harmonisation audacieuse. Daniel Kawka ressent de manière impressionnante l’évidence structurelle et poétique de cette musique sans équivalent. Les Solti, Karajan et autres Furtwängler sont balayés par cette finesse bienfaisante et cette réhabilitation idéale.

Le Ring va ainsi son train d’enfer, de l’hiver à l’hiver, balançant entre le noir désespérant de l’âme humaine et le blanc d’une improbable rédemption : à cet égard, les apparitions des jeunes maîtrisiens en oiseaux et cet enfant qui nous regarde sur la ligne céleste des violons de l’apothéose font basculer ce Ring du côté de la Flute enchantée de Mozart.


Michel HUVET

VOIR AUSSI : II. SOUS LE REGARD DE FRIEDELIND













mercredi 18 septembre 2013

DIJON : NEZ EN L'AIR POUR LE SOUVENIR



Cherchez cette plaque, quelque part sur une façade de la rue de la Liberté

Au risque de plaies et de bosses, car on ne regarde plus où l'on met les pieds, j’aime flâner dans les rues des villes le nez en l’air. Je guette en effet les plaques commémoratives accrochées au flanc de vieilles demeures. Je sais ainsi qu’on peut apprendre l’Histoire, rendre aussi très présents, très vivants, les hommes ou femmes qui furent illustres en leur temps comme au nôtre (Victor Hugo en tête) ou qui ne le sont plus depuis des lustres (Eugène Spüller, Louis Dietsch, Pelletier de Chambure, pour citer quelques rues de Dijon qui portent ces noms).

À Paris, c’est une fête ! il y en a partout ! Je garde toujours dans le coeur cette petite plaque sur les quais de la Seine, tout près de l’Institut, où l’on apprend qu’ici mourut Voltaire. À Dijon, c’est pareil, je ne peux passer rue Vaillant sans lever les yeux vers la presque illisible plaque, tout au-dessus d’un haute porte cochère, qui nous rappelle que Jean-Philippe Rameau naquit dans une petite maison (disparue) dans la cour où conduit cette porte, d’ailleurs toujours ouverte pour laisser le passage aux clients d’un laboratoire d’analyses médicales.

Tant de plaques, aussi, à Dijon ! En évoquant plus haut Louis Dietsch, musicien du XIX° plus illustre pour ses démêlés avec Wagner que pour sa musique sacrée, je songeais bien sûr à la plaque de la rue Jean-Jacques Rousseau qui rappelle qu’il naquit par là, tout près d’une petite rue à laquelle il a aussi donné son nom. Plaques variées, plaques usées, plaques vieillies et que plus personne ne regarde, sinon distraitement… On se dit que l’habitude d’en disposer risque de disparaître, les personnes ne naissant quasiment plus dans leur maison familiale.

L’actuelle municipalité dijonnaise a, elle, le goût des plaques. Avec un souci parfois politique, elle a ainsi rendu hommage au maire socialiste des années 1900, au régiment qui libéra Dijon, et même à deux écrivains russes de haut rang, Tourgueniev et Tostoï, qui passèrent à Dijon une petite semaine en mars 1857 dans l’hôtel de la Cloche alors sis rue de la Liberté qui ne s’appelait pas encore ainsi. La plaque est assez haute, levez donc bien la tête pour la voir non loin de la Porte Guillaume et tout près de notre vieille Lib de l’U.

Bossuet : la plaque est redorée, la maison, elle...
La vielle coutellerie est fermée malgré elle...


Enfin je voudrais évoquer Bossuet. Je sais bien que le grand orateur (et précepteur du jeune Louis XV) a sa statue sur la place qui porte son nom – encore que l’on sache que c’est l’évêque Le Nordez (à qui la France doit en partie sa loi sur la laïcité) qui a servi de modèle – mais la maison où il naquit fait peine à voir. La plaque est sise au fronton d’une très vieille bâtisse occupée depuis très longtemps par une coutellerie. Et si l’on s’en approche, on peut lire sur la porte que l’établissement est fermé “contre le gré” des occupants qui s’en avouent fort marris.

Ces plaques à rénover ces maisons à restaurer, voilà de quoi nourrir un programme culturel pour les candidats aux élections municipales de mars prochain, ne croyez-vous pas ?

Michel HUVET

mardi 10 septembre 2013

DIJON : MUSÉE "RÉVÉLÉ", PALAIS OUBLIÉ



"Pleurants, deuillants" de Michel Lagrange avec les photos de Pierre Beros

Ce nouveau musée dijonnais est réussi. Il est beau. Les oeuvres médiévales ont retrouvé un écrin digne d’elles et de la fabuleuse histoire de la Bourgogne. Et Sophie Jugie aura réussi à tenir à bout de bras un musée dont elle n’ignorait rien du prestigieux passé et dont elle est aujourd’hui la directrice enfin comblée. Oui, tout cela est génial, magnifique, et le bar de la cour de … Bar est aussi le bienvenu, etc, etc.

On nous dit révélation, musée “révélé”. C’est vrai que, depuis les lamentations de Pierre Quarré, celui qui était selon ses dires “le premier musée de France après le Louvre” await bien été rétrogradé. La Donation Granville a, un temps, fait illusion, mais le mal était fait : dans ce palais ducal, le musée étouffait et ses plus riches collections dormaient dans ses caves. Grâces soient dont rendues à François Rebsamen et ses communicants, qui ont su priver les Dijonnais des pleurants des tombeaux ducaux en les consolant par la vision des foules qu'ils ont réunies aux USA et dans l’ancienne Bourgogne “d’en haut”.

Du coup, on entend moins les grincements de tiroir-caisse des commerçants de la rue de la Liberté, on s’accommode tant bien que mal de la disparition des pavés de la cour de Bar, on oublie les 2 200 euros que doit chacun des Dijonnais laissera en héritage à ses enfants pour combler la dette de la Ville, on s’incline devant les transformations survenues dans la ville de Rameau en dix ans, et on s’en va toucher la chouette près de la Maison Millière, et l’on s’apprête à défiler encore derrière la Vierge noire qui tant sauva Dijon.

Le Palais ducal avant la Révolution française


Et voici qu’on tombe, tout à fait par hasard, sur une gravure représentant le palais ducal au temps de Louis XV. La statue du roi est sur la place, se dressant devant la tour qui tant défia la royauté trois cents ans plus tôt. Une porte immense protège l’entrée du palais à droite et cache la façade de Saint-Michel. Quant à l’aile actuelle du musée, elle est encore flanquée de tours à escaliers qu’on enlèvera bien vite en même temps que … la Sainte-Chapelle (aujourd’hui grand-théâtre et place Rameau) que les raisonneurs montagnards décidèrent de démolir au début de l’Empire.

Dijon semble ne pas changer. Et pourtant…

Michel HUVET


mercredi 4 septembre 2013

MUNICIPALES CÔTE-D'OR : LA DROITE PILONNE LA GAUCHE

François Sauvadet et François Baroin à Vitteaux 


Il a fallu la fête de la Rose à Frangy-en-Bresse pour que se mette en place la fête des Bourguignons à Vitteaux. François Sauvadet, désormais seul grand leader de la droite républicaine en Bourgogne, a réussi son coup et lancé la campagne des municipales tout en parlant des territoires, de leur sauvegarde, et tout en laissant François Baroin – bourguignon par une branche de sa famille qui a toujours pignon sur campagne à Ourroux-en-Morvan – raccrocher la branche gaulliste de l’UMP au déterminant mais petit arbuste centriste.

Ainsi se sent-on en ordre de marche. La campagne des municipales commence cette fois pour de bon. Les maires des villes d’à peine plus de 1 000 habitants scrutent la nouvelle loi électorale avec des yeux effarés : comment s’y prendre avec des listes bloquées en n’oubliant pas de respecter la parité hommes-femmes ? À Vitteaux, il fallait voir tous ces hommes et femmes de droite cherchant auprès des “grands” un encouragement à leur conquête des villes de gauche : on pense à Laurence Porte à Montbard, à Jean-Philippe Morel à Longvic, à Pierre Jacob à Chenôve, à Catherine Sadon à Semur même si cette ville est encore à droite, comprenne qui pourra.

Edouard Cavin (FN) candidat à Dijon (Photo Infos-Dijon)

On pense aussi au fabuleux trio qui, à Dijon, veut à tout prix déboulonner le seigneur dijonnais François Rebsamen. Oui, trio, d’abord parce que les Umpistes Emmanuel Bichot et Alain Houpert ne sont toujours pas départagés par les instances nationales et continuent de se concurrencer à coups de communiqués, ensuite parce que le troisième larron (FN) a fait irruption dans le débat au début de l’été et qu’il a la dent dure. Les deux premiers attaquent sur la désolation du foyer Sadi-Carnot ou le coût des impôts locaux, le troisième (Edouard Cavin) dénonce une insécurité galopante.

Pour François Rebsamen, qui a bien connu le père d’Edouard, Charles, au conseil régional, le risque est-il si grand ? L’arrivée du FN est nouvelle à Dijon et peut le servir dès le premier tour si … lui-même a fait l’unité (avec les Verts et le Modem) dès le premier tour. Dans le cas contraire, bonjour la triangulaire.

Michel HUVET





dimanche 7 avril 2013

CUMULS : FRANÇOIS REBSAMEN N'A PAS TOUT À FAIT TORT


Le maire de Morteau est aussi députée du Jura

Toute cette agitation post-cahuzienne ne doit pas faire oublier que si les sondages laissent croire que les Français sont contre le cumul des mandats, c’est évidemment qu’ils ne voient qu’un cumul d’indemnités, donc une affaire d’argent, donc de comptes en Suisse, et ainsi de suite.

La réalité est toute autre. Elle sort de la bouche d’une élue UMP du Jura, maire de Morteau, députée. Elle a fondé une association qui défend le cumul au nom des réalités vécues par les élus du monde réel. Un député sans mandat local ne comprendrait plus rien à la vie réelle des gens et voterait des lois inapplicables sur le terrain. Bien vu. La rejoint sur cet argument le sénateur maire PS de Dijon, François Rebsamen, qui insiste auprès de son ami président pour faire comprendre que le Sénat étant composé d’élus locaux, les priver de leur ancrage local est aussi les priver de toute légitimité.

François Rebsamen, sénateur et maire
Je trouve que Rebsamen a raison. Les habitants des villes, petites ou grandes, savent très bien l’intérêt qu’il y a à se dire que leur maire est aussi député (ou sénateur). Que cela est bénéfique pour leur commune. Et qui peuvent répondre à ceux qui leur rétorquent que ces élus cumulards ne font pas ainsi du bon travail, qu’un maire a autour de lui un nombre suffisant de collaborateurs et d’employés pour que ses dossiers soient bien traités. Evidemment, le cumul financier est à proscrire.

Le chanoine Kir, maire et député
Je me rappelle une réflexion du chanoine Kir qui, à 90 ans, était maire de Dijon et député. En 1967, lors des élections législatives, il fut battu par un certain Robert Poujade. Le chanoine, qu’on interrogeait après cette défaite, eut ce mot : "Qu’est-ce que vous voulez qu’un député qu’est pas maire il puisse faire ?"
Le bon sens du chanoine est resté légendaire.

Michel HUVET



vendredi 29 mars 2013

CÔTE-D'OR : CES ÉLUS RURAUX QUI COURENT À LA VILLE




François Sauvadet président du conseil général de la Côte-d'Or
(Photo Infos Dijon)
En prenant la tête de la rébellion contre le redécoupage cantonal et la modification de la loi électorale, François Sauvadet veut défendre les cantons ruraux, tenter de sauver ce qui reste de la vie démocratique en zone rurale. C’est beau et juste. Il y met toutes ses convictions et on sait qu’il ne ment pas, lui le fils de paysan de Chanceaux. Seulement voilà, son projet de loi risque d’être retoqué par le conseil constitutionnel,  au motif vraisemblable qu’une loi votée par l’Assemblée et le Sénat ne saurait être censurée : les élus incarnent la légitimité, et si un seul parti a la majorité, c’est la faute des électeurs et d’eux seuls !

Il n’empêche que la modification probable de la loi électorale fait que s’agitent aujourd’hui bien des conseillers généraux, d’ici et d’ailleurs : ces projets de réforme électorale leur cassent le cou. Voilà donc les élus cantonaux qui sortent du bois et montrent qu’ils existent, quitte à renier leur territoire. Pourquoi croyez-vous qu’on voit ainsi frétiller, en Côte-d’Or, ces tenants de bastions cantonaux ? Parce qu’ils craignent d’être dépossédés de leur rente, à tout le moins de voir leur canton rayé de la carte puisque deux cantons actuels n’en feront plus qu’un demain et qu’en plus les élus devront les partager avec une femme, oui, une femme !

Claude Vinot (photo X)
Et voilà pourquoi montent sur la scène des municipales, dans une grande ville comme Dijon, et en avant-première, des élus ruraux que la ville connaît à peine. À l’instar d’Emmanuel Bichot (UMP), élu de Beaune Sud, dont l’avenir beaunois est bouché par la position dominante d’Alain Suguenot (député maire de la sous-préfecture) et qui s’est mis en tête de venir contester la mairie de Dijon à François Rebsamen. Pareil aussi pour le sénateur Alain Houpert, élu du moins peuplé des cantons de Côte-d’Or (Grancey-le-Château) et qui, natif de Dijon, travaillant à Dijon, a soudain la même ambition. On a même vu se présenter en soutien d’Emmanuel Bichot, un conseiller général lointain, Claude Vinot (Montigny-sur-Aube) qui, tout-à-coup, se verrait bien adjoint au maire de Dijon !

La valse urbaine des ruraux ne fait que commencer. Même François Sauvadet, cramponné à son fief de Vitteaux, sent trembler ses bases en se disant qu’il va lui falloir partager la terre avec Précy-sous-Thil. Et que ce système de binomes par grands cantons va forcément mettre en péril sa présidence du conseil général qui n’aura plus rien de général puisque la loi le transformera en conseil départemental. Quel changement, quelle valse, que d’émois !


Cela me rappelle le tohu-bohu déclenché en son temps par le ministre Jean-Pierre Chevènement qui, au congrès des présidents de départements à Deauville, annonçait déjà la mort du-dit conseil général et son remplacement par une assemblée des communautés de communes, aïe, aïe, aïe ! Si l’on a bien compris ce qu’a dit l’autre soir le président Hollande, c’est même la mort des départements qui serait programmée, les métropoles devenant seules toutes puissantes.

Dans tout ce remue-méninges, on ne sait qui a tort ou raison. On regarde s’agiter les poissons élus dans le bocal politique avec un certain sourire au coin des lèvres : la France, décidément, n’est pas réformable.

Michel HUVET


mercredi 6 mars 2013

MUNICIPALES EN CÔTE-D'OR : LES OPPOSITIONS S'ÉCHAUFFENT



Cette fois c’est parti et ça va être chaud, chaud, chaud.

Après les déroutes subies au cours des dernières élections – surtout la présidentielle et les législatives –, la droite se rebiffe et dans bien des villes de gauche sonnent les trompettes des assaillants. Mais à gauche, c’est presque itou : les maires PS ou radicaux sentent monter le vent de la contestation depuis leurs propres rangs, comme si de vieux clivages et de vielles rancunes s’étaient réveillées dans le froid de l’hiver.

Quelques villes valent que, d’ores et déjà, on s’y arrête.


Laurence Porte
Fabienne Lepy
À Montbard, c’est presque comme à Paris, une histoire de femmes. Pour déloger Christelle Silvestre, maire PS, elles sont déjà deux à s’entredéchirer. Mais on sait que si Fabienne Lepy, qui est maire d’Eringes, a de l’étoffe, sa rivale Laurence Porte a pour elle le soutien de l’UDI François Sauvadet, ce qui n’est pas rien, et l’avantage d’avoir failli faire trébucher Robert Grimpret lors des élections cantonales. On sait bien que Montbard est, par tradition, une ville de gauche, très longtemps communiste, mais les temps ont changé et Michel Protte a prouvé en son temps que c’était gagnable par la droite.



Pierre Jacob (UMP)
Roland Ponsaa (PS)
À Chenôve, tout va bien ? Pas si sûr. La ville, très à gauche comme toute la circonscription, a néanmoins une opposition de plus en plus solide, Pierre Jacob (UMP) s’y entendant comme personne pour déstabiliser une majorité socialiste… qui se lézarde doucement au fil des projets du maire, Jean Esmonin (centre culturel, nouveau centre-ville, etc). On murmure à Chenôve que le maire et son premier adjoint, le conseiller général Roland Ponsaa, ne s’adressent plus la parole et que le second mijoterait une liste contre lui aux municipales. Chenôve retrouverait alors le clivage républicains-socialistes qui avait marqué la ville après le décès de Roland Carraz.


Louis Legrand
À Chevigny-Saint-Sauveur, la mort de Lucien Brenot a lézardé là aussi une majorité confortable. L’excellent et très convivial Michel Rotger – qui fut jadis conseiller du sénateur Michel Sordel à Châtillon-sur-Seine – a été élu au fauteuil de premier magistrat par défaut autant que par sympathie. Lui seul pouvait réunir les voix de ceux qui se regardent en chien de faïence ou qui ont fait leur temps et ne veulent pas qu’on le leur dise. Les batailles législatives perdues d’Anne-Marie Beaudouvi (2007, plus de 43 %) puis de Pascale Caravel (près de 47%), toutes deux adjointes à l'époque, ont laissé des traces. Et Louis Legrand, premier opposant, a bien lu : tant à la présidentielle qu’aux légilatives, c’est bien la gauche qui l’a emporté à Chevigny, c’est dire combien le malaise est grand à droite.


Et Dijon  ? Alors là, c’est le grand réveil d’une droite aphone et sans réflexe depuis le départ de Robert Poujade en 2001. Le PS François Rebsamen a fait ce qu’il a voulu, comme il l’a voulu. Et il a, du coup, mis à part l’endettement, un sacré beau bilan qui devrait pouvoir lui assurer l’année prochaine un troisième mandat. Si sûr que ça ? Certains, dans ses rangs, s’agitent un peu et toussottent dans leur coin. Les petits sous, un adjoint au violon, l’économie fragile, les travaux insupportables assombrissent un horizon tout rutilant.
Alain Houpert
Et la fuite du premier opposant, François-Xavier Dugourd, a changé la donne. Voilà qu’à droite, on rêve, depuis les gaullistes sociaux jusqu’aux franges du FN, c’est la quasi-union – la candidature d’Emmanuel Bichot restera fantaisiste, d’autant que Louis de Broissia, en statue du commandeur, l’a dégonflée illico – autour du sénateur (rural mais paradoxalement très dijonnais) Alain Houpert qui aura l’investiture de l’UMP et à qui Laurent Bourguignat a déjà fait allégeance. Un discours très humain, hors politique politicienne, une campagne de terrain plus que de meetings, et voilà que la mairie pâlit et se paie des sondages à tire-larigo.

Dans cette capitale régionale à l’enjeu si important – “Qui tient Dijon tient la Bourgogne” disait Jean-Pierre Soisson –, l’annonce de listes marginales, mélanchonistes ou lepénistes, peut évidemment troubler des eaux pourtant bien calmes depuis douze ans.

Michel HUVET


lundi 11 février 2013

BENOÎT XVI : LES RAISONS DE LA RENONCIATION


Benoît XVI, le pape à bout de fatigue (Photo Le Figaro)

 Benoït XVI ne canonisera pas Jean-Paul II. Sa démission n’a surpris que ceux qui suivent de loin la vie de l’Eglise. Il est le troisième successeur de saint Pierre à se retirer avant son décès. Son témoignage est à l’exact inverse de celui de Jean-Paul II qui, en donnant sa vie et ses souffrances, a illuminé le coeur du monde entier. Cette fois, le théologien Benoît XVI a fait un autre choix, il n’a pas attendu l’agonie: ses arguments sont aussi la preuve d’un autre et non moins brûlant témoignage.

Voici ce qu’il en a dit, et ses propos dénotent une extrême humilité : “Dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. »
Et c’est vrai qu’on eut pu noter bien des signes de cette « fatigue » de Benoït XVI : quand il remettait sur ses épaules la vieille « capa magna » depuis longtemps abandonnée, quand il avançait la messe de Noël de minuit à vingt-deux heures, quand il se délivrait sur d’autres d’un grand nombre de liturgies ou d’obligations (les canonisations, par exemple), quand il reprenait son souffle et ralentissait ses petits pas en arrivant aux audiences du mercredi…
De ce septennat pontifical, on retiendra les efforts accomplis par ce pape pour assurer l’impossible succession qui s’offrait à lui. Il l’a fait avec courage. Il l’a fait avec tout son cœur. On l’a très mal compris car, à l’inverse de son prédécesseur, il avait mal organisé sa communication. Les bévues ne l’ont pas aidé. On l’a caricaturé et il a dû en souffrir. Ceux qui, comme moi, l’ont rencontré à plusieurs reprises peuvent témoigner de la parfaite gentillesse de ce pape, de la douceur de sa voix, de la clarté de sa pensée théologique. Rien à voir avec le « panzer-cardinal » dont les médias nous ont abreuvé.
La place Saint-Pierre : en attendant le conclave (Photo MH)
Sans doute n’y a-t-il pas, dans cette démission insolite que des raisons de santé. Le Vatican bruit d’une foule de rumeurs, complots ou trahisons, où la curie romaine paraît bien étrangement fourmillante de vaines paroles. Le pape en était-il si las que, dans sa prière, dans son intense prière, il a entendu le Christ approuver son intention de quitter sa charge ? Certains le diront. Des vieux bigots, sans doute. Pas les jeunes, ceux des JMJ, qui l’avaient adopté, qui l’aimaient et qui vont une fois encore se sentir orphelins. Je revois la frêle silhouette de Benoït XVI aux JMJ de Cologne, juste après son élection. Les jeunes, les yeux encore emplis des larmes provoquées par la mort récente de JP II, lui firent des ovations aux cris de « Benedetto ».
La frêle barque de l’Église a l’assurance de la présence de l’Esprit-Saint. Si elle ne l’avait pas, aurait-elle traversé tant de siècles et tant de turpitudes humaines ? Alors les chrétiens vont prier, encore et encore, laissant les paparazzi aller guetter, sans doute dans un village bavarois, ce pape honoraire jouant Mozart aux côtés de son frère Georg, tout aussi musicien que lui. Ils vont prier en silence, ce don du Ciel si oublié par la fureur de ce monde, le silence, « ce cadeau des anges dont nous ne voulons plus, que nous ne cherchons plus à ouvrir » comme l’écrit joliment Christian Bobin dans son dernier livre. Et ce silence, il attendra pour le retrouver qu’ait cessé le vacarme que son retrait a provoqué. Il attendra le 28 fevrier – un jeudi de carême – pour que se taisent en lui les rumeurs médiatiques. Ce jour-là, il priera pour les saints du jour, Nymphas et Eubule, dont il n’ignore pas qu’ils furent disciples de son cher saint Paul.
Ils vont prier aussi pour le prochain pape … qu’on plaint d’avance. Et qui sera-ce ? Sans doute pas un Européen, la vieille terre chrétienne étant spirituellement trop désengagée de la foi et de l’Eglise. Peut-être un de ces jeunes cardinaux du Brésil ou d’Afrique – ou de New-York ? – qui suivent le Christ là où il est aujourd’hui : au cœur du monde.
Michel HUVET



mardi 29 janvier 2013

DIJON : LES VELLEITAIRES DE L'APRÈS DUGOURD




F.X. Dugourd 

Pas croyable : sitôt François-Xavier Dugourd disparu du paysage après qu’il ait annoncé – ce qui était à prévoir depuis quelques mois – qu’il ne briguerait plus la mairie de Dijon comme tête de liste, tous ses amis l’ont enterré sous des éloges hypocrites, histoire que chacun d’eux se rappelle au bon souvenir des autres.



On croyait ces temps politicards révolus : que nenni ! Nous revoilà donc avec six ou sept candidats au poste de premier magistrat. Mais parmi tous ceux-là, à part François Sauvadet (qu’on cite mais qui ne s’est pas prononcé, lui !), qui a prouvé quoi, qui les connaît, qui songerait une seconde à voter pour l’un d’entre eux comme maire de la capitale régionale ? Pour Ayache, pour Vandriesse, pour Bourguignat même ? Et avec quel programme ?
Alain Houpert





Et puis on attendait que se fasse entendre la voix de Bernard Depierre. L’ancien adjoint de Robert Poujade, l’ancien député, a quand même encore de bonnes billes dams sa poche. Il a parlé. Pour n’en défendre qu’un : Alain Houpert. Cette fois, c’est dit, le radiologue a fait son diagnostic : il va y aller.


François Rebsamen

François Rebsamen peut-il  dormir tranquille ? La tour Philippe-le-Bon, d’où il domine depuis 2001, restera-t-elle sienne un bon bout de temps encore, et d’abord après 2014 ? On voit mal, en effet, qui pourrait le battre, même si quelques mécontents – commerçants ou autres – trouvent qu’il en a fait un peu trop. Lui sait qu’il en fait beaucoup. Et qu’il fallait le faire. La Ville s’est ouverte, la ville a changé, il a imprimé sa marque. Il tient toutes les ficelles de la ville et de la région. Il sait communiquer astucieusement.

Les impatients de l’UMP local peuvent se regarder en chiens de faïence : cela doit même beaucoup l’amuser.




Michel HUVET