jeudi 19 septembre 2019

ENTRE SEINE ET BREVON : SOIF ...

Reflets de vitrail dans l'un des 14 tableaux 
 Tandis que le soleil jouait à cache-cache entre les branches des verts feuillus de la colline, tandis qu’assis dans l’herbe folle chacun songeait à la survie de la cigogne noire, voici que, dans le pré sauvage, des danseuses chamanesques se mirent à griffer le ciel de leurs longues lances bigarrées. Le temps se contractait soudain sous les élans ralentis des jeunes femmes silencieuses qui ceinturaient le pré de leurs comètes ongulées et la seule musique des clapotis du Brevon tout proche ramenaient un peu de présent dans ce pré que dominait le pont de Beaulieu…

Oui, la vallée de la Chouette était, en ce samedi de septembre, le centre du monde. Ce coin perdu de haute Côte-d’Or ne l’était pas tant que ça. Les initiatives intrépides de ses habitants pleins de rêves et d’ardeur créatrice se bousculaient et se révélaient en ce jour de fête arborée et les danseuses de la compagnie Les Décisifs étaient venues dire haut et fort que rien n’était perdu et que tout était à venir, à commencer par un tourisme culturel et écologique qui attirait déjà nombre d’étrangers entre Seine et Brevon.

Dans l'église de Beaulieu...

Et puis l’on se mit en quête de gravir les marches qui conduisent au Ciel, ou plutôt à l’église Saint-Georges de Beaulieu où deux mille ans d’histoire chrétienne disparaissent pour que, là, ce soit un Jésus d’aujourd’hui, un frère, un ami, qui nous fasse partager ses peines et ses souffrances dans ce monde : le Chemin de Croix de Linet Andréa nous tend en effet un miroir de fraternité. Dans les vieux cadres d’époque lointaine, les 14 stations de la Via Crucis vous saisissent et vous interpellent de manière à en avoir le souffle coupé.
 
Cet homme, ce frère, ce voisin ne nous regarde pas. Sa croix est une ombre. Il est vivant, il souffre, il est étonné. Le teint pâle du fond de tableau transforme chaque station en miroir et c’est nous que l’on voit, chacun de nous à terre, épuisé, étonné, las, c’est nous à qui Véronique tend un linge pour éponger notre sueur, c’est notre mort qui s’avance à pas comptés et ce Jésus-là nous dit le tout de l’humanité en quatorze chapitres. 

Et le plus fantastique, le plus incroyable, c’est que ce qu’il nous dit par Linet Andréa interposée, c’est exactement ce qu’il nous dit par la plume d’Amélie Nothomb dans Soif, le livre le plus étonnant de cette rentrée littéraire.



Michel HUVET



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire