mercredi 3 août 2011

LISZT EN PRIÈRE À L'ABBAYE DE LESSAY



L’abbaye de Lessay est située dans la Manche, dans cette lande si chère au coeur de Jules Barbey d’Aurevilly qui y a situé sa célèbre Ensorcelée. Là se tiennent chaque année en été l’un des plus beaux festivals, les "Heures Musicales de Lessay".

On s’y retrouva très nombreux le 26 juillet dernier pour entendre le choeur Arsys Bourgogne dirigé par Pierre Cao dans un programme lié à Liszt dont on célèbre le bicentenaire de la naissance. Liszt religieux, Liszt homme de foi en deux "itinéraires" qui nous ont emmené à la chapelle Sixtine à Rome puis le long de la via dolorosa à Jérusalem.

Le silence se fait, long temps d’attente. Puis la main de Pierre Cao se lève et un souffle musical lui répond, c’est le début pianissimo du Stabat Mater de Palestrina. On comprendra après l’entracte pourquoi Liszt l’apprécia avec tant d’émotion. Pour l’heure, voici son très méconnu Stabat Mater speciosa à lui, précédant le trop fameux Miserere d’Allegri (1) que les solistes féminines chantent depuis le fond de la nef de Lessay, en écho aux répons venus des voix restées dans le choeur de l’abbaye littéralement en prière.



Donc, après l’entracte où, dans les jardins, on a vu jouer le soleil avec la pierre ocre et les bosquets verts, voici le Via Crucis (chemin de croix) de Liszt. C’est Palestrina revisité. Des plaintes d’orgue – ici refletées par les jeux "de bambou" des anches de l’instrument normand joué par Mathias Lecomte – laissent filtrer par instants des solos aux accents déchirants des femmes entourant Marie. Une écriture musicale d’une époustouflante modernité, Liszt se délivrant de toutes les chaînes stylistiques de son temps.

Pierre Cao n’a pas voulu, après une telle oeuvre, donner le moindre bis. Les mélomanes se sont consolés dans les jardins de l’abbaye avec un cidre local permettant à chacun de se remettre de pareilles émotions.

Michel HUVET

(     (1) Le présentateur officiel du festival a parlé de la "légende" qui veut que Mozart enfant ait copié de mémoire ce Miserere réservé à l’époque à la seule chapelle Sixtine. J’y reviendrai bientôt ici pour démontrer qu’il ne s’agit pas du tout d’une légende.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire