lundi 6 août 2012

LE MOULIN DE MARIE RAVENEL




Elle n’était qu’une simple meunière, là-haut, en Cotentin, un petit moulin qu’éclairaient peut-être parfois, en clignotant, les lueurs du haut phare de Gatteville. Marie Ravenel, toute jeune encore, les mains encore blanches des farines accumulées sous sa meule, la grosse roue pleurant ses gerbes d’eau à peine arrêtée, prenait un papier et un crayon et écrivait des vers.

On était au XIX° siècle, et Saint-Père Eglise un tout petit chef-lieu de canton de la Manche. Et Marie écrivait :

Hélas ! ainsi tout pleure dans la vie ;
Ainsi toujours, par un sentier de maux,
Pauvre ruisseau ! la nature flétrie
Court au néant plus vite que les flots !

Le moulin de Marie est aujourd’hui restauré, ouvert aux visites, et son guide enthousiaste s’est mis lui aussi à faire tourner son moulin et produire à l’ancienne une farine délicate. Sous le toît de chaume, une salle de classe qui eut pu être celle des enfants de Marie Ravenel, fascine les enfants d’aujourd’hui par les souvenirs de pleins et de déliés, d’encriers évasés et de cartes de géographie jaunies.



Et la poésie de Marie ? Elle survit, grâce à la réédition de ses oeuvres complètes, Poésies et Mémoires, parue en 1890 à Cherbourg. On y apprend que Lamartine, le poète bourguignon, reconnut en Marie Ravenel un pair en art poétique, sacré compliment pour la toujours jeune meunière. Elle fut si touchée par l’accueil de l’auteur du Lac qu’elle écrivit un poème en son hommage au début de son livre :

Dans la nuit de l’oubli, comme elle, solitaire,
Ma Muse, avec l’honneur d’un éloge, naguère,
Reçut du grand poète un regard bienveillant.
Mon coeur de ce beau jour conserve la mémoire.
Ce magique regard m’a fait rêver la gloire,
M’a fait oublier mon néant.


Il y a quelque chose d’émouvant à réentendre ainsi, en ces temps de médiatisation ridicule et de crise identitaire, battre des coeurs avec de telles rimes.

Michel HUVET




lundi 18 juin 2012

DIJON APRÈS LES ÉLECTIONS : SI REBSAMEN EST MINISTRE...


François Rebsamen, au centre, et Laurent Grandguillaume, à sa gauche (Photo Johann Michalczak)



La carte électorale de la Côte-d’Or (et de la Bourgogne) vient de voir basculer la région d’une époque dans une autre.

Les mandarins et leurs héritiers commencent à disparaître du paysage. Sauf dans l’Yonne où Jean-Pierre Soisson pèse encore d’un poids important dans sa circonsription auxerroise : son successeur désigné a été élu. Mais partout ailleurs, c’est la fin. Fin pour Jean-Marc Nesme du côté de Paray-le-Monial en Saône-et-Loire. Fin pour Bernard Depierre du côté de Dijon, en Côte-d’Or.

Bernard Depierre, c’était l’héritier de Robert Poujade. Héritier de circonstance, souvenons-nous, puisque le suppléant du maire de Dijon en 1997 c’était le maire de Talant, Baptiste Carminati, qu’une sordide histoire de dénonciation d’intérêts privés mis à l’ombre au mauvais moment. Robert Poujade, alors, se tourna vers son adjoint aux sports, le dit Bernard Depierre, pour conserver son siège de député.

En Saône-et-Loire,  ce sont les héritages de Pierre Joxe (Bresse louhannaise) ou de Dominique Perben (Chalon-sur-Saône) qui s’éffritent. Comme quoi, tout passe, même en politique, et comme je le rappelais en février à propos des présidentielles, la roche tarpéïenne est proche du Capitole.

Le Capitole, désormais, est à gauche. Et même si les médias de Côte-d’Or font valoir que le département a conservé quelques baronnies de droite (Alain Suguenot à Beaune, François Sauvadet dans la haute Côte-d’Or), on sent bien que l’heure est au triomphe des vainqueurs de 2001, François Rebsamen en tête.

C’est ainsi qu’on doit interpréter l’étonnante victoire de Laurent Grandguillaume (PS) dans la circonsription la plus à droite des bords de Dijon. Elle avait été taillée exprès pour Robert Poujade par Charles Pasqua avant les élections de 1986 pour que les deux ténors de Côte-d’Or, Robert Poujade et Roland Carraz, aient chacun la possibilité de siéger au Palais-Bourbon.

La victoire du dauphin de François Rebsamen en dit long sur le travail de sape accompli par les réseaux du maire de la capitale dans les quartiers huppés de sa ville comme dans celle de la voisine Talant, bastion qu’on croit de droite dure quand on oublie qu’elle fut à gauche longtemps, lors des débuts du quartier du Belvédère.

Enfin, cette fois les choses sont claires : le maire de Dijon peut être ministre, on sait qui lui succédera s’il abandonne son mandat…

Michel HUVET