jeudi 7 novembre 2019

ARNAUD VIARD ... VOUS ATTEND AU CINÉMA

Retour au pays pour un futur grand du cinéma français : Arnaud Viard a mesuré l’autre soir au Darcy dijonnais l’ampleur des relations qu’il a gardées avec sa ville natale et avec tous ceux qui ont connu son grand chirurgien de père. C’est en effet dans le cadre des Rencontres Cinématographiques dijonnaises qu’il est venu présenter, en avant-première, son troisième film Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part.

Du vrai cinéma d’auteur ! Arnaud Viard nous emmène à mi-chemin entre la tragédie grecque et l’autobiographie contemporaine avec ce film captivant qui, – tiré d’un recueil de nouvelles d’Anna Gavalda dont il ne reste que les quelques personnages dénichés par le réalisateur et scénariste–, nous embarque dans une atmosphère familiale aussi étouffante que banale. Une fratrie de quatre personnes, dont l’aîné (Jean-Paul Rouve) est patriarcal, le puiné écrasé par le doute de soi, la soeur enseignante et secrètement écrivaine, et la benjamine photographe en rupture de chiffre d’affaires.

Tourné à Dijon et Fixin

Le suicide de l’aîné va évidemment faire exploser cette cellule fraternelle et c’est la magie d’Arnaud Viard de nous en révéler les fissures, les contradictions, les métaphysiques errances. Tout cela par un art cinématographique impressionnant : des gros plans qui disent “je”, des atmosphères pluvieuses, une présence suggérée du monde alentour, des non-dits que la musique de Clément Ducol fait résonner subtilement, et des acteurs tous aussi justes les uns que les autres, tels Benjamin Lavernhe (Comédie-Française), Alice Taglioni ou Elsa Zylberstein qui encadrent Jean-Paul Rouve à la perfection.

Une fois embarqué dans ce drame, on est captivé, surpris, bouche-bée. Et l’émotion nous étreint sans qu’on veuille l’admettre. Bien sûr, on est à Dijon ou à Fixin et on sait que le réalisateur y a des attaches qui sont comme des madeleines proustiennes. Alors, oui, il y a des scènes médicales, hospitalières, qui fleurent bon les souvenirs mais ce côté autobiographique enrichit le propos du film et renforce encore l’émotion qui s’en dégage. On n’oubliera pas cette scène de “libération” de la soeur ainée, qui s’ouvre à sa vérité en s’en allant danser sous la pluie dans un coin de la cour du lycée Carnot...

Michel HUVET


mardi 8 octobre 2019

L'INCROYABLE OPUS 102 DE CYRIL HUVÉ

Les Côte-d’Oriens, qui ne l’avaient pas oublié, ont retrouvé la semaine dernière Cyril Huvé, un pianiste hors du commun, hors normes, invité par Musique au Chambertin du côté de Gevrey. Retrouvailles, car le pianiste a sévi un temps au CNR de Dijon, a surtout lancé avec succès les fameuses Rencontres musicales d’Arc-et-Senans : cet élève de Claudio Arrau s’est ensuite affûté en enseignant au CNSM de Paris et enchanté l’Europe de ses récitals où Chopin et Debussy côtoient Satie ou Liszt.

Le piano de Stephen Paulello

Cyril Huvé vient de sortir un nouveau disque et c’est un événement. Car voici un récital sur un piano comme on n’en encore jamais connu, un piano à 102 notes conçu par Stephen Paulello qui a travaillé vingt ans pour réaliser ce piano auquel il faudrait trouver un autre nom, un piano qui n’a plus rien à voir avec ce qu’on connaît du piano ! “Plus rien n’est fait comme chez Steinway” dit-il volontiers, lui qui a longtemps conseillé la grande marque et fabriqué des cordes pour Yamaha.

Cent deux notes sur des cordes parallèles dotées d’un agrafe qui transmet la vibration de la corde à la table d’harmonie sans appuyer dessus ! Alors là, le toucher magique de Cyril Huvé fait évidemment merveille et l’émotion offerte sous les Brouillards debussystes ou la poésie nocturne de Scriabine est d’une intensité bouleversante. 

Modernité inattendue

Même la Sonate en si mineur de Liszt, monument métaphysique, trouve ici une actualité étonnante, disant tout des doutes du monde actuel. Cela va jusqu’à la Cathédrale engloutie qui nous laisse penser, sous les doigts magiques de Cyril Huvé, que Debussy a vécu le récent incendie de Notre-Dame de Paris.

Epoustouflant. On n’a qu’une envie, celle de se rendre dans la Grange aux pianos, à Chassignolles près de Nohant, où Cyril et Céline présentent leurs 24 pianos lors de récitals qu’y donnent les plus grands pianistes contemporains. Et comme Chopin n’est pas loin, on rêve, on ne respire plus que la beauté.

Michel HUVET