Malgré la douleur du monde, le temps d’éternité vécu fin janvier dans l’inégalable Grange du Prieuré
de Vitteaux a valu à la foule des mélomanes venus de partout un bonheur
ineffable.
Thierry Rosbach faisait une fois encore
honneur à l’Auxois en acceptant l’invitation de Jean-Louis et Martine
Chastaing. Cette fois, le défi pianistique était énorme : donner l’intégrale
des Variations Goldberg de Bach. Pour le coup, on avait chamboulé
l’installation de Bösendorfer et celle du public qui l’entourait.
On sait que ces variations sont réputées "injouables", que Bach en a écrit la plupart pour deux claviers et que la somme
qu’elles représentent sont au pianiste ce que l’Anapurna est aux alpinistes.
Mais voilà : avec Thierry Rosbach, tout change. On n’est plus dans la
virtuosité, on n’est plus dans l’admiration d’une vélocité digitale
époustouflante, on est ailleurs, on est dans un souffle musical, dans une
atmosphère délicieusement métaphysique, les variations sur cette aria
cristalline s’enchaînant comme les planètes sur leurs orbites.
Tout-à-coup, Thierry Rosbach s’arrête, le
temps d’avaler un verre d’eau, et voilà qu’avant la seizième variation et
l’apparition du mineur, il lance un feu d’artifice depuis son clavier : il
envoie vers le ciel un extrait lumineux d’une sonate de … Pierre Boulez et ce
vent frais circulant dans la grange est aussi une main tendue par Bach sur les
deux siècles qu’il entrevoyait (1748 / 1948) en écrivant ces Variations :
Thierry Rosbach, alors, reprit les hallucinantes et nostalgiques variations qui
terminent l’oeuvre dans une sorte d’état de grâce.
Bouleversant.
Michel HUVET
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