L'ODB en concert à Cluny (Photo JSL) |
Etrange silence que celui des élus –
majorité ou opposition d’ailleurs – dans le drame social et culturel que vit
Dijon avec la fin programmée de son orchestre. Les Ponce-Pilate se contentent
de laisser monter au feu le directeur de l’Auditorium qui, le malheureux, verse
une larme de crocodile sur la mort programmée des musiciens. Du coup, dans ce silence
assourdissant des responsables, les malheureux membres de l’ODB montent au feu
avec l’énergie du désespoir.
Le président Gérard Cunin répond d’abord à
la larmoyante oraison funèbre de la direction de l’Opéra de Dijon par une
citation de La Rochefoucaud selon laquelle "l’hypocrisie est un hommage que le
vice rend à la vertu" et Daniel Weissmann, le directeur de l’ODB, se défend de
toute mauvaise gestion et rappelle fort justement que la sentence mortelle ne
date pas d’aujourd’hui : "Se souvient-on dans quel état de crise sociale majeure était cet
orchestre en 2009 quand il a fallu reconsidérer son projet artistique et son
avenir ?"
Rien ne serait arrivé si ...
Remontons
donc le temps. Souvenons-nous qu’un orchestre a toujours existé à Dijon, avec
des musiciens fournis pour la plupart par le conservatoire et dont le propos
était surtout lyrique – opéra – et symphonique : du temps d’André Ameller, la Société des Concerts du conservatoire assurait, avec quasiment les mêmes
musiciens, la partie symphonique et pédagogique et le Théâtre pouvait se
permettre de jouer quatre opéras et six opérettes par mois !
Et puis
vint l’Auditorium. Tout allait pour le mieux tant que Jean-Claude Wambst était
à la barre. L’élection d’un nouveau maire – lequel avait combattu l’auditorium
pendant ses années d’opposition – fit partir celui qui avait réussi à lancer
l’Auditorium de Dijon dans le grand bain des salles illustres européennes. La
seule question était dans le maintien, ou non, de la structure "opéra" telle
qu’elle existait et dont la mairie ne voulait plus. Pourtant, si elle n’était
pas tombée malade, le nouvelle directrice, Claude Meiller, eut sauvegardé
musiciens, choristes et danseurs – elle avait de grandes ambitions en matière
de chorégraphie – et rien ne serait arrivé. La gabegie d’Olivier Desbordes puis
l’arrivée de Laurent Joyeux changèrent les perspectives.
"Or ça, pas question !"
Déjà, le
très pro-Bazin Thierry Caens, avait proposé ses services pour tenter d’unir la
carpe et le lapin. Dans une interview qu’il m’avait accordée au début des
années 2000 dans Le Bien Public, il posait justement le problème : "Si on fait le mauvais choix de faire tout le lyrique à l’Auditorium,
Dijon disparaîtrait des scènes lyriques de province, et c’en serait fini de
l’emploi pour les choristes et les musiciens". Et il ajoutait, lisez bien : "Or ça, pas question !" Devenu par
la suite pro-Rebsamen, le même trompettiste-oenologue entérina sans broncher la
disparition-externalisation de l’orchestre de l’Opéra, quitta même la structure
dont il assurait la direction et lui, le musicien, se contenta du titre d’"ambassadeur
culturel" que le maire lui octroya, sans rire.
Arriva cette affaire du Ring de Monsieur
Joyeux. Une superbe occasion, pour la mairie, de porter l’estocade à cet ODB
dirigé par des proches de l’UMP comme elle avait porté l’estocade, et pour les
mêmes raisons, aux mondialement célèbres Fêtes de la Vigne. Le Ring, c’était
manger le budget de toute une saison pour l’ODB. Le piège était là. L’ODB s’y
jeta, hélas, en refusant de jouer le Ring pour ne pas compromettre le reste de
sa saison. La municipalité sauta sur l’occasion, amputa la subvention pour la
reverser à Laurent Joyeux qui rameutait des musiciens de toute l’Europe pour
faire quand même son Ring et laissant l’ODB dans une misère dont on voit
aujourd’hui les stigmates.
Cet
abandon, ce silence des responsables, ce scandaleux désintérêt politique, ce
lynchage antisocial, cette liquidation en trompe-l’oeil auront des conséquences
que ceux-là même qui s’en lavent aujourd’hui les mains auront à payer, cher,
demain. D’ici là, pétitionnons, et lançons – pourquoi pas ? – un appel au
mécénat sur un site approprié.
La
Résistance culturelle ne fait que commencer. Emmanuel Krivine, Régis Pasquier
ont déjà lancé leur appel. J’y ajoute le mien.
Michel
HUVET
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