Tout le monde a l’air de s’étonner de ce
qui se passe en ce moment à l’Assemblée nationale. Depuis Dijon, où l’on
regarde d’abord comment se comporte le ministre de l’Emploi, on se frotte les
yeux devant les élucubrations des éditorialistes qui ne voient, dans le vote du
pacte, qu’une demi-victoire pour Manuel Valls et un quasi-enterrement pour
François Hollande. On se pince. Comment peut-on être à ce point sans raison, la
proie des idées toutes faites, le bon chic bon genre de l’idéologie politique
parisienne, les déliquescents
suivistes des députés baveurs ?
Car le moment est
historique : enfin la France sortirait des querelles systématiques entre la
gauche et la droite, enfin la fameuse ligne rouge serait franchie ! Ce que nos amis allemands pratiquent depuis
longtemps dès que leur pays est en crise grave – cela s’appelle coalition –
serait-il enfin en train de se produire au pays des coqs gaulois ? Si cela est,
chapeau à Manuel Valls. Car enfin, il a osé se couper d’une fraction de la
gauche incantatoire de son parti (Marie-Noëlle Lienemann avait les larmes
aux yeux en s’abstenant) et il est parvenu à mordre sur tout ou partie de
l’UDI, attrapant même au passage quelques élus UMP.
Une telle secousse valait bien la messe à
laquelle le Premier ministre a assisté dimanche dernier à Rome, même aux prix
de sifflets imbéciles d’une droite extrémiste qui ne comprendra jamais rien à
rien. Le fait est quand même là : voilà le Modem et ses catholiques décomplexés
qui trouvent en Manuel Valls de quoi se requinquer et rendre un peu d’espoir à
l’énorme électorat bayrouiste de 2007, voilà l’UDI qui en marre de jouer les
strapontins de l’UMP – seul ou presque François Sauvadet ne franchit pas la ligne
et poursuit ses incantations anti-gauche – et voilà que l’Assemblée se souvient
enfin que les élus l’ont été par la volonté du peuple dont elle s’est si
fortement coupée depuis quelques lustres.
Il était temps, plus que temps. La coupure
entre le peuple et les élus ne faisant que s’agrandir, il fallait bien faire
quelque chose. Ce pacte a été une belle occasion que Valls a su saisir. Bien
loin d’enterrer Hollande, elle ne fait que le stabiliser et lui rendre un
crédit devenu bien lourd à rembourser.
Michel HUVET