Lib' de l'U : menacée ... |
La lecture, d’abord. A Dijon, par exemple,
on voit petit à petit mourir une librairie qui fut un modèle national au temps
de Jacques Bazin : la Lib’ de l’U, comme l’appellent encore les Dijonnais, est
en vente comme toutes celles qui sont labellisées “chapitre.com”. Je sais bien
qu’une autre librairie l’a avantageusement remplacée dans le coeur de beaucoup,
je sais bien qu’un repreneur va peut-être se présenter, comme Zorro dans le
feuilleton d’hier, mais on me permettra de voir dans ces borborygmes
commerciaux comme des signes de la fin d’une civilisation.
Pour qu’il y ait des livres, il faut aussi
qu’on les imprime. Et là aussi, c’est la catastrophe. Voyez l’Imprimerie
Darantière, jadis fleuron de la qualité des livres en France – on y imprima les
volumes de La Pléiade en papier bible –, dont on apprend avec la coeur brisé
qu’elle va être mise en redressement judiciaire. Vous me direz que ce n’est pas
un événement, que les banquiers s’en contrefichent, et que la mort des coches
d’eau n’a pas changé la face du monde.
Manifeste sur la vitrine d'Harmonia Mundi (Photo BP) |
Autres mauvaises nouvelles, coup sur coup :
la fermeture du magasin Harmonia Mundi, seul lieu culturel digne de ce nom dans
le paysage commercial dijonnais, seul lieu où trouver toute la "musique du
monde" – celle qui vient d’ailleurs – et toute la musique dite "classique", ce
genre de magasin étant à la musique ce que les musées sont à la peinture.
Sylvie Bouissou, avec son sourire et ses conseils, méritait mieux que ce
crépuscule du magasin qu’elle a tenu avec tant de volonté et d’imagination.
À peu près à la même époque, tandis qu'on apprenait à Paris que les Pianos Pleyel mettaient eux aussi la clef de sol sous la porte, un petit
magasin au joli nom – la librairie Concerto, spécialisée dans la musique elle
aussi – et qui jouxtait le nouveau palais de justice à deux pas du
conservatoire, a baissé définitivement son rideau. Sa sympathique directrice,
Régine Vervandier, a écrit ceci sur le blog qu’elle tient sur le web :
"Je
remercie chaleureusement mes clients et les professeurs qui m'ont fait
confiance pendant toutes ces années et cette relation enrichissante me manquera
beaucoup. J'ai
une pensée particulière pour toutes les personnes qui m'étaient restées fidèles
et qui m'ont témoigné leurs regrets de voir fermer leur librairie et bien
souvent leur amitié. Je
leur adresse mes remerciements émus."
Et pendant ce temps-là,
on regarde la télé, on pousse son caddie, on finit par croire que la musique de L’Arlésienne c’est de le publicité pour lessive, que l’alleluia du Messie de
Haendel vante un fromage et que Rameau est une branche d’olivier.
Michel HUVET
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