samedi 23 novembre 2013

DIJON : LA MORT DES ENTREPRISES CULTURELLES



Lib' de l'U : menacée ...
Tandis que les politiques s’amusent comme des petits fous à s’envoyer à la tête des communiqués incendiaires façon cocottes en papier chez les lycéens d’hier, les villes ou les cantons qu’ils sont chargés de gérer agonisent doucement sous leur nez. Des petits faits, sans doute, mais tellement révélateurs du changement de société, changement subtil qui doucement nous éloigne de toute intimité, de toute réflexion, de toute conscience peut-être.

La lecture, d’abord. A Dijon, par exemple, on voit petit à petit mourir une librairie qui fut un modèle national au temps de Jacques Bazin : la Lib’ de l’U, comme l’appellent encore les Dijonnais, est en vente comme toutes celles qui sont labellisées “chapitre.com”. Je sais bien qu’une autre librairie l’a avantageusement remplacée dans le coeur de beaucoup, je sais bien qu’un repreneur va peut-être se présenter, comme Zorro dans le feuilleton d’hier, mais on me permettra de voir dans ces borborygmes commerciaux comme des signes de la fin d’une civilisation.


Pour qu’il y ait des livres, il faut aussi qu’on les imprime. Et là aussi, c’est la catastrophe. Voyez l’Imprimerie Darantière, jadis fleuron de la qualité des livres en France – on y imprima les volumes de La Pléiade en papier bible –, dont on apprend avec la coeur brisé qu’elle va être mise en redressement judiciaire. Vous me direz que ce n’est pas un événement, que les banquiers s’en contrefichent, et que la mort des coches d’eau n’a pas changé la face du monde.


Manifeste sur la vitrine d'Harmonia Mundi (Photo BP)
Autres mauvaises nouvelles, coup sur coup : la fermeture du magasin Harmonia Mundi, seul lieu culturel digne de ce nom dans le paysage commercial dijonnais, seul lieu où trouver toute la "musique du monde" – celle qui vient d’ailleurs – et toute la musique dite "classique", ce genre de magasin étant à la musique ce que les musées sont à la peinture. Sylvie Bouissou, avec son sourire et ses conseils, méritait mieux que ce crépuscule du magasin qu’elle a tenu avec tant de volonté et d’imagination.




À peu près à la même époque, tandis qu'on apprenait à Paris que les Pianos Pleyel mettaient eux aussi la clef de sol sous la porte, un petit magasin au joli nom – la librairie Concerto, spécialisée dans la musique elle aussi – et qui jouxtait le nouveau palais de justice à deux pas du conservatoire, a baissé définitivement son rideau. Sa sympathique directrice, Régine Vervandier, a écrit ceci sur le blog qu’elle tient sur le web :

La librairie musicale Concerto (Photo X)

"Depuis 20 ans à votre service et au service de la Musique, votre Librairie
a fermé définitivement. La baisse de fréquentation du magasin à la suite des travaux du tramway qui a eu pour conséquence un accès au magasin difficile et décourageant, le recours à l'achat en ligne... la crise économique favorisant les photocopies des partitions... m'ont contrainte à cesser mon activité.
"Je remercie chaleureusement mes clients et les professeurs qui m'ont fait confiance pendant toutes ces années et cette relation enrichissante me manquera beaucoup. J'ai une pensée particulière pour toutes les personnes qui m'étaient restées fidèles et qui m'ont témoigné leurs regrets de voir fermer leur librairie et bien souvent leur amitié. Je leur adresse mes remerciements émus."

Et pendant ce temps-là, on regarde la télé, on pousse son caddie, on finit par croire que la musique de L’Arlésienne c’est de le publicité pour lessive, que l’alleluia du Messie de Haendel vante un fromage et que Rameau est une branche d’olivier. 

Michel HUVET



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