mardi 28 février 2012

PAS DE PURGATOIRE POUR HENRI VINCENOT



Quand il est mort en 1985, Henri Vincenot a été rangé au rang des écrivains régionalistes avec tout ce que cela sous-entend, à Paris, de mépris et de condescendance. Aujourd’hui où l’on fête son centenaire, quel bonheur de constater qu’il n’en a rien été et que, si l’oeuvre de Vincenot s’appuie sur un fond de traditions celto-bourguignonnes, elle s’élève à des hauteurs universellement symboliques avec des intuitions prophétiques (Le Sang de l’Atlas, Les Étoiles de Compostelle) que les grands intellectuels étaient incapables de percevoir.



Le très beau numéro spécial de Bourgogne Magazine qui vient de paraître consacre à ce centenaire l’essentiel de ses pages : on y retrouve beaucoup le Vincenot qu’on a connu, on découvre l’auteur mais aussi le peintre et le sculpteur et on est abasourdi de constater le génie de cet enfant du rail qui fut aussi – et c’était son paradoxe – un enfant des champs et de la forêt. Vincenot n’a pas pris une ride. Il n’aura même pas connu le purgatoire tant redouté de leur vivant par des écrivains en mal de postérité. J’ai personnellement vu, l’autre jour dans une brasserie du centre de Dijon, une très jeune fille qui lisait Le Pape des Escargots en édition de poche tout en sirotant une menthe à l’eau.

Le village celte découvert dans la combe talantaise (Inrap)


Je me rappelle cette querelle qui opposait jadis Vincenot et Lucien Hérard à propos de l’étymologie du mot “gaudes”, ces excellents beignets que l’on confectionne encore pour la Chandeleur et autres Mardi-Gras. Hérard affirmait l’origine latine du mot (de gaudere, se réjouir) alors que Vincenot affirmait une origine purement celtique. Cette année 2012 pourrait bien lui donner de nouveau raison : ne vient-on pas de découvrir, aux portes de Talant, dans la combe que Vincenot voyait depuis sa fenêtre au temps des "Buissonnets", un village celte d’une petite douzaine de maisons et daté par les archéologues de 500 avant Jésus-Christ ?

Michel HUVET


vendredi 24 février 2012

LA MAÎTRISE DE DIJON : DE SAINT-PIERRE À SAINT BÉNIGNE

Cathédrale Saint-Bénigne, Dijon, 18 février 2012 (photo M.-D. Trapet)


Coup sur coup, la Maîtrise de la cathédrale de Dijon vient de s’illustrer en saluant, comme on ne le vit jamais dans une cathédrale, le départ de celui qui la hissa au sommet en vingt ans de travail (Alain Chobert), et en assurant avec son nouveau chef (Etienne Meyer) une soirée spirituelle et historique qui a stupéfié la foule qui la suivit à la lumière des mille cinq cents chandelles qui, seules, éclairaient le lieu.

S’il s’agissait de commémorer la naissance officielle du culte de l’évangélisateur de la Bourgogne (saint Bénigne) en 512, il s‘agissait aussi de rendre compte du plain-chant et de la musique grégorienne dans leur historique parcours dans l’histoire spirituelle des grandes cathédrales du saint-empire en particulier et de l’Occident en général. A cet égard, on réentendit cette belle image venue sous la plume de Joseph Samson, à savoir

Que la musique des psaumes
Que la psalmodie
A poussé spontanément
Comme une mousse
Sur les mots encore humides
De la Révélation

Les maîtrisiens de Dijon au Vatican le 15 février 2012 (Photo KTO)


Juste avant cette inoubliable soirée, quelques-uns de ces jeunes maîtrisiens, sous la houlette de leur professeur de musique, ont chanté au Vatican devant Benoît XVI lors de l’audience générale dans la “Aula Paul-VI” : au milieu d’une foule de 10 000 personnes, cette courte salutation polyphonique a semblé toucher la pape musicien dont le frère Georg fut si longtemps, à Ratisbonne, le “Joseph Samson” du Danube !

Michel HUVET

mardi 7 février 2012

MERKEL/SARKOZY : LA MASCARADE




Franchement, oui, il faut arrêter la campagne pour l’élection présidentielle. Car on a quitté les rives de toute démocratie et l’apparition à la télévision, du président français et de la chancelière allemande a signé le comble du vide politique qui caractérise le pays des droits de l’homme !

Car enfin, a-t-on jamais entendu pareille tromperie sur la marchandise ? Des phrases sans aucun sens, des banalités générales – et même le rappel des millions de morts qu’on coûté les affrontements de 1870, 1914/18 et 1939/45 entre les deux pays –, avec un mot, un seul mot qui servait de bannière : Die Kriese / La Crise.



Cette affligeante mascarade a fait mesurer à ceux qui ont un peu de mémoire la distance épouvantable séparant désormais Adenauer de Merkel et De Gaulle de Sarkozy. Et même, on peut se rappeler des "sommets" de la fin du siècle dernier, ceux qui se sont tenus à Beaune (Mitterrand, Balladur, Kohl) et à Dijon (Chirac/Kohl) et qui ont accouché, sinon de décisions capitales, du moins d’une franche amitié et d’un très concret engagement européen.

On appelait ça le "moteur" de l’Europe. Mitterrand sirotait une bière avec l’ami Helmut à la Concorde beaunoise, Chirac et Kohl dînaient en riant chez Jean-Pierre Billoux à Dijon : ce qui se disait et se signait n’avait en ligne de mire rien d’un soutien réciproque pour de futures élections à Berlin ou à Paris. Pareil quand Schmidt battait Giscard aux échecs : nul ne songeait alors à brandir ici la politique familiale et là la réussite des exportations pour assurer la réelection éventuelle de l’un ou de l’autre.

Ce triste épisode télévisuel a dû faire mal à tous ceux qui ont, de la réconciliation puis de l’amitié franco-allemande, une autre idée. On pense en particulier aux responsables de toutes les associations de jumelage entre la Rhénanie-Palatinat et la Bourgogne qui voient se réduire leurs efforts cinquantenaires à cette mascarade électorale de très bas étage.

Dommage pour l’Histoire. Dommage pour la France de Victor Hugo. Dommage pour l’Allemagne de Goethe.

Michel HUVET