L’information, c’est fini, vraiment fini.
Je me rappelle y avoir cru, comme journaliste. Ce qui comptait le plus pour moi, c’était l’épaisseur humaine, la fragilité des êtres rencontrés, leur densité spirituelle, les êtres les plus modestes et les plus défavorisés étant à l’évidence ceux qu’une vraie information pouvait le plus aider, en tant que personnes et en tant que citoyens.
C’est pour cela qu’au-delà des rendez-vous officiels, des marronniers dont se nourrit la presse quotidienne – en Bourgogne, les maronniers ce sont les Fêtes de la Vigne, la Saint-Vincent tournante, la vente des vins des hospices de Beaune ou de Nuits ; les fêtes de l’oignon ou du charolais ; les rentrées judiciaire, scolaire ou sportive ; les fêtes patriotiques –, il y avait encore place, pour peu que la volonté y préexiste, pour des initiatives journalistiques, des enquêtes ou des reportages insolites. Le tissu relationnel comptait alors beaucoup, et les informateurs étaient légion pourvu qu’on ait su les entretenir et, de temps en temps, les satisfaire.
Le cœur de la vie d’un Journal devrait encore être là : il l’est de moins en moins. Le « cœur de métier », comme on dit aujourd’hui, s’est déplacé et vous verrez que dans peu d’années, on vendra les rédactions et les journaux qui deviendront des agences de communication, des loueurs de places de concert, des distributeurs d’encarts publicitaires ou des relais bancaires. Le pli est pris depuis quelques années et je sais certains directeurs de journaux qui ne parlent plus de lecteurs mais de clients.
Je devine même la tête que feront quelques lecteurs des années 2050, s’ils tombent par le plus grand des hasards sur ces lignes : « C’était quoi, ce qu’il appelle l’information ? ». Le mot information sera devenu aussi désuet que cocher, relais de poste ou arbalétrier. Le journal lui-même, s’il existe encore, sera livré par Internet, sorte de recueil de blogs et de fac-simile des « vieux » numéros des années 1950 ou 1990, histoire de cultiver une feinte nostalgie.
Les fossoyeurs de l’information sont aujourd’hui à l’œuvre et ils dînent en ville chaque soir avec les croque-morts des cabinets de publicité et des représentants de commerce, ils s’acoquinent avec les puissants (peu importe la gauche ou la droite, c’est le pouvoir qui compte). Ils font tomber dans les fossés de l’Histoire des pans entiers de la réflexion humaine. Ils gagnent de l’argent et fument des gros cigares en rigolant grassement de la stupidité de ceux qui gobent ce qu’ils leur vendent.
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