En nous obligeant à confiner nos corps mortels, le coronavirus ne nous contraint-il pas aussi, et heureusement, à déconfiner nos esprits, nos âmes, nos consciences ? On voudrait l’espérer tant nos vies sont devenues la proie de systèmes qui nous broient, nous asphyxient, nous rendent inconscients de nous-mêmes.
Jamais nous n’avions eu à vivre pareille
remise en cause de tout ce qui nous fait. Jamais nous n’avions eu une aussi
vraie occasion de nous rappeler la vanité de nos chemins de vie, et la
précarité de nos existences – comme des petites flammes au-dessus des bougies
et qu’un simple souffle peut éteindre –.
Du coup, face au vide, face au non-avenir
ou à l’inconnu d’un hypothétique demain, on se retrouve la concience à nu,
comme dans le cabinet des curiosités de Chamesson où la bougie n’éclaire qu’un
crâne vide. Le choc nous a fracassé l’âme. Pascal avait raison et le
divertissement de nos toutes récentes activités paraît soudain aussi vain que
le rocher de Sysiphe.
Symbolique du choc
Symbolique du choc. A portée de main,
opportunément, voici le dernier et auto-édité petit livre de Jean Libis, Les
Chemins du vent, qui tombe à pic pour ce retournement de la conscience après le
traumatisme inopiné et évidemment inattendu. Lui, le philosophe, il a chuté
subitement lors de la visite d’une exposition parisienne. Et depuis, le vent de
la réflexion le ramène au passé, à l’enfance, du côté de Cirey-les-Nolay.
Tandis qu’on entend d’un bout à l’autre
résonner la musique schubertienne de La Jeune fille et la mort, tous les
sentiers, tous les chemins d’hier se revisitent aujourd’hui et dans le murmure
des feuilles ou les chants d’oiseaux, les sourires des jeunes filles d’hier, on
marche aujourd’hui “dans un silence de cendres et d’herbes molles”. Jean Libis
nous laisse entendre qu’”en croyant qu’on va vers la fin de la vie on ne fait
que retourner vers un commencement”.
Michel HUVET