Si l’Histoire est une science, elle
n’échappe quand même pas à la vie personnelle de l’historien. Jean Vigreux,
professeur d’Histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, spécialiste de
l’histoire du communisme rural et de la politisation des campagnes, n’en est
pas moins aussi le fils d’un célèbre historien nivernais (Marcel Vigreux) et il
a accroché bien de ses souvenirs d’enfance aux branches des sapins qui
entourent Château-Chinon ou Dun-les-Places.
Voilà pourquoi ce petit livre qui vient de
paraître aux Editions Universitaires de Dijon : François Mitterrand, la Nièvre
et le Morvan (1) n’est pas comme les autres. Bien sûr, l’ouvrage est d’une
extrême rigueur historique et chaque élection est passée au crible des
vérifications, des chiffres et des noms. Mais cet ouvrage historique est aussi
un ouvrage philosophique : Jean Vigreux, en épluchant la vie politique de la
Nièvre entre 1947 et 1996, va beaucoup plus loin. Il nous fait pénétrer en fait
dans les rapports affectifs qu’a pu entrentenir avec ce département et ce
territoire morvandiau un homme politique comme François Mitterrand et qui dépassent
de loin les seuls intérêts politico-électoraux.
Une sensibilité particulière
Mitterrand, en effet, s’est totalement
“identifié” à sa terre d’élection. En 1995, encore président de la République, il
disait : "Tout s’est bien passé entre les Nivernais et moi-même. J’en garde une
sorte de sensibilité particulière. Lorsque je rencontre les Nivernais, cela me
procure toujours un plaisir un peu différent de celui que j’éprouve avec
d’autres”. Et Jean Vigreux ira jusqu’à nous raconter comment le grand homme
d’Etat avait acheté secrètement un carré d’herbe au sommet du mont Beuvray pour
y être enterré “comme un vieux Gaulois".
Bien sûr, l’apport de Mitterrand à la Nièvre
est capital : désenclavement, routes, "ardoises d’Anjou" sur les toîts des
vieilles maisons rénovées, usines, circuit automobile, musée du Septennat, on
en passe et des meilleurs. Reste surtout cette incroyable affinité entre
l’homme d’Etat et les "braves morvandiaux", à commencer par Camille Marchand,
le sabotier maire de Gouloux, qui a reçu des milliers de cartes postales de
Mitterand, où qu’il soit allé, comme chef de l’Etat, dans le monde.
Un petit livre d’historien qui vaut qu’on
le dévore : pour avoir moi-même bien connu tous ces personnages nivernais, y
compris la famille Gouze ou la maison de Camille Marchand, j’ai goûté cet essai
avec gourmandise car elle m’a enrichi d’autant d’Histoire que de nostalgie…
Michel HUVET
(1) François Mitterrand, la Nièvre et le
Morvan, par Jean Vigreux
(Editions EUD, coll. Essais, 130 pages, 9 €