lundi 19 mars 2012

DIJON : MORT D'UN JEUNE COMÉDIEN POLONAIS


Photo PB

 La façon dont un quotidien dijonnais a récemment rendu compte d’un effroyable fait divers en dit long sur la manière dont s’exerce aujourd’hui le journalisme. Et sur la manière dont on mesure la valeur d’un homme selon, comme disait La Fontaine, qu’il est puissant ou misérable.

Je lis donc l’article. J’apprends, en me reprenant à deux fois face à des phrases peu claires, qu’un jeune comédien polonais d’une troupe venue participer au festival Italiart, est mort en recevant sur la tête, vers minuit trente, devant le théâtre où il devait se produire, un "pilier" de 450 kg qui serait tombé sur lui après qu’il se soit appuyé sur une "chaîne" qui y correspondrait.

Rien compris, se dit le lecteur. C’est quoi, ce pilier ? Et c’est quoi cette chaîne ? C’est quel théâtre ? Et comment peut-on mourir aujourd’hui dans de telles circonstances ? Et qui est responsable ? Aucune explication du pseudo-journaliste qui enchaîne en expliquant benoîtement que le jeune polonais devait tenir le rôle principal d’un spectacle "qui se jouait avec des marionnettistes" et que, donc, ipso facto, ce spectacle ne pourrait avoir lieu puisque l’acteur était mort, vous comprenez ?

Là-dessus, quelques considérations sur le spectacle avec des propos du directeur de la salle ("c’est triste mais le spectacle continue") – et comme je le connais bien, je sais qu’il n’a pu dire cela qu’après avoir longuement évoqué la consternation qui avait dû entourer toute son équipe – et voilà l’affaire bouclée en dernière minute. Est-ce normal de mourir ainsi ? Y a-t-il une enquête de police ? Le lecteur ne le saura jamais.

Outre ce travail bâclé, qu’aucun rédacteur en chef digne de ce nom n’eut dû laisser passer en l’état, on cache l’article dans un coin de page, en minimum visible, et le tour aurait été joué si le lendemain, dans le journal, on était revenu sur le drame. Que nenni. Juste une dizaine de lignes sur le Net, cachées au fin fond de l’arborescence "faits-divers", qui en disent encore moins.

Le pire, c’est que le quotidien n’est pas seul à en faire le moins possible sur cette affaire. Rien ou à peine plus que rien sur les médias numériques, à la télévision ou à la radio, un banal fait divers, on vous dit. On a mieux à dire, de plus people, de plus croustillant, de plus vendeur. Mais la vie d’un homme, d’un jeune homme, d’un jeune comédien, et le chagrin de sa famille polonaise, ça n’a aucune importance.

Et, d’abord, le lecteur en sait assez, non ?

Michel HUVET


lundi 12 mars 2012

NICOLAS SARKOZY : LA PENTE FATALE ?

Nicolas Sarkozy au palais de justice de Dijon (photo Jonas Jacquel – DijOnscOpe)



Donc nous voici à quelque cinquante jours du passage dans l’isoloir, ce moment où, le rideau étant refermé, face à une planchette grise où il n’y a même pas la place de disposer les bulletins du choix, il nous faut décider "en notre âme et conscience".

La difficulté, cette année plus encore que jadis, c’est que tout homme d’État a perdu toute aura. Que les dieux de l’Olympe sont redevenus des simples hommes, faibles, âpres au gain et sans mémoire. Des hommes banaux qu’Internet donne l’illusion de pouvoir traiter comme un conducteur excédé traite un chauffard sur la route. De simples hommes avec leurs nombreux vices et leurs petites vertus.

La seconde difficulté c’est sans doute dans l’uniformisation des pensées politiques. Gauche, droite, bonnet blanc et blanc bonnet, comme disait Marchais hier et comme dit Marine aujourd’hui. Le rideau de fer est définitivement relevé. Et comme nous vivons au temps décadent du "people" à tout crin – les épouses des candidats deviennent des arguments électoraux –, on remplace les idéologies défuntes par les communautarismes résurgents.

Et puis, grande première en France, le "sortant" est déjà sorti. Il s’est enfermé dans une spirale de l’échec et tout ce qu’il fait, tout ce qu’il dit, lui revient en négatif. En fait, il ne sait plus quoi dire, alors il gaffe. Il tente de trouver des mesures contre les riches après les avoir servi. Il annonce qu’il va imposer la rénovation de Schengen alors que le chantier est lancé à Bruxelles depuis belle lurette. Il essaie de ressortir la peur de l’autre comme il y a cinq ans, mais c’est trop tard, et une autre est déjà passée par là.

Ainsi les hommes politiques connaissent-ils tous un jour, près du Capitole, la proximité de la roche tarpéïenne. Je crains fort pour Nicolas Sarkozy que la pente sur laquelle il glisse soit trop savonnée pour qu’il puisse la remonter. Déjà se profilent derrière lui les ombres de ceux qui le lâchent ou s’apprêtent à le faire. C’est certes cruel à vivre mais c’est inéluctable. Menace de dernier recours : "J’arrête la politique", dit-il. Quitte ou double. Pile ou face. Ca passe ou ça casse. Le problème c’est que ceux qui font de la  politique un métier l’ont fait parce qu’ils l’ont bien voulu, pas parce qu’on le leur a demandé !

Tel est le contexte à moins 50 jours. Et même si le paysage politique change d’ici là sous la pression de la rue, des banques ou de la "crise", il n’empêche que ce serait, le 6 juin au soir et dans ce climat désenchanté, une bonne occasion pour la France de copier nos amis allemands – qui l’ont fait si souvent – en mettant en place une "grosse Koalition", un gouvernement d’union nationale.

Après tout, il serait bien temps, une fois la situation assainie, de revenir à nos divisions légendaires, montagnardes ou girondines, bonapartistes ou légitimistes.

Michel HUVET